Salut à toi ô mon frère

Polar fantasque de Marin Ledun

Immense coup de cœur pour le dernier roman de Marin Ledun, Salut à toi ô mon frère, paru en mai dans la collection Série Noire de Gallimard.

Dans Délivrez-moi, l’émission que je coanime sur Wave Radio, j’ai eu le plaisir de recevoir Marin Ledun, auteur prolifique de romans noirs, tous les ans pour chaque nouvelle parution. Les visages écrasés (adapté au cinéma avec Isabelle Adjani) sur la souffrance au travail, L’Homme qui a vu l’homme sur la question basque ou encore En douce, huis-clos sur fond de vengeance… Quelques titres parmi tous ces romans que j’attends fébrilement. Et que j’adore sans restriction. Emportée par le rythme et le souffle de ses fictions sociales très sombres, séduite par l’atmosphère inédite et les messages subliminaux que l’auteur distille subtilement dans son intrigue. Alors, quand l’un de mes auteurs fétiches revient en librairie quelques mois seulement après la sortie de Ils ont voulu nous civiliser avec un nouveau roman publié – en outre – chez Gallimard, dans la mythique collection Série noire, je trépigne !

Smala haute en couleurs

Et je me prends une nouvelle claque…. Littérale et littéraire. Marin Ledun avait pour habitude de nous embarquer dans des histoires dramatiques subies par des êtres en perdition. Et ce parti-pris me convenait tout à fait : tout en provoquant une réflexion sur ces questions de société, ces anti-héros avaient presque le mérite de me faire sentir normal (ou pas si névrosée). Des romans noirs qui font du bien !

Dans Salut à toi ô mon frère, il redistribue les cartes : Gus, un jeune de 17 ans, impliqué dans un vol à main armé a disparu. La police enquête. On est bien dans roman policier. Mais le jeune homme n’a pas le profil du laissé-pour-compte auquel nous avait habitué l’auteur. Cadet d’une fratrie de six enfants, il est apprécié pour sa gentillesse. Et si la famille nombreuse n’est pas la famille parfaite, ces tempéraments originaux débordent d’amour les uns pour les autres. Une smala qui n’est pas sans rappeler la famille Malaussène de Daniel Pennac.

Polar sur le racisme ordinaire

Marin Ledun change de registre avec cette tribu fantasque. L’enquête et cette drôle de famille nous sont racontés par la voix la plus raisonnable de la smala, Rose, l’aînée des filles et lectrice de grands auteurs dans un salon de coiffure. Avec elle, on s’insurge contre les préjugés qui accablent son frère adopté. On s’amuse (et parfois se désole) des frasques de sa mère, pasonaria incontrôlable, ou de la bonhomie du père. Comme dans tous ces romans, Marin Ledun nous embarque dans son histoire que l’on dévore pour en connaître l’issue. Comme dans toutes ces fictions, il sème finement des réflexions sociétales. Ici, comme l’indique le titre du roman emprunté à la chanson de Bérurier noir, le racisme ordinaire. Qui malheureusement reste d’actualité 33 ans après la sortie de la chanson…


Mais dans ce roman, il est aussi question d’éducation, du respect de l’autorité, des préjugés et de la normalisation de la société. Cette fois-ci, il nous amuse en plus ! Presque chaque page a provoqué un sourire ou un rire. Une vrai lecture plaisir. Une récréation dans ce monde de bruts. Un régal. Merci Marin Ledun.

Salut à toi ô mon frère, de Marin Ledun, 288 pages, 19 €, Gallimard.

Pour en savoir plus : interview de Marin Ledun dans Délivrez-moi en juillet 2018.

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