Je viens de terminer un tricot. Un pull d’été en coton achevé à l’automne… Nouvel ouvrage qui confirme que je tricote comme j’avance dans la vie. Avec fougue et à tâtons. Toujours en léger décalage. Et sans vraiment suivre le mode d’emploi…

Ce pull n’était pas prémédité. J’ai craqué pour le coton couleur menthe à l’eau en passant devant la vitrine d’une boutique Phildar pendant les soldes de juillet. Le phil Madrague 100% coton coloris Lagon. À cet instant de séduction s’est ajouté le choix instantané d’un modèle dans la boutique : il fallait trouver un piste d’exploitation pour légitimer mon achat impulsif. Sauf que ce n’était pas le moment. J’étais pressée, en route pour un rendez-vous. J’ai donc laissé la vendeuse choisir pour moi un modèle simple pour mon niveau et associer une autre couleur au vert menthe à l’eau.
Le tricot, reflet de la vie
Le soir même, j’ai mis de côté le pull en cours pour m’atteler à ce nouvel ouvrage. J’ai toujours eu une « légère » tendance boulimique. Un rapport pathologique à la nourriture qui se décline dans d’autres aspects de la vie. Selon les périodes, les envies, le travail, la lecture, les achats, le tricot… Cette fois encore, j’ai abandonné la lecture, l’écriture pour le tricot du pull en coton. Sauf qu’à la moitié du dos, la première pièce de l’ouvrage, j’ai réalisé que je n’aimais pas les pulls en coton, ni le point jersey envers. Tout comme l’association du gris avec le vert menthe à l’eau… Consciente et agacée par ma manie de m’engager en courant pour finalement faire demi-tour, je me suis imposée l’obligation de le finir. Fin août, j’ai fini le dos puis je l’ai mis de côté. Pour revenir à un tricot de saison. Encore un ouvrage inachevé…
Tricoter, c’est choisir
Le printemps suivant, ce pull en coton est réapparu dans mes pensées. Enfin, plutôt l’acte d’achat déraisonnable de la matière. Et le choix du modèle tout aussi irréfléchi. La culpabilité m’a fait ressortir l’ouvrage. J’ai pris la décision de le retourner pour tricoter sur l’endroit.
[ Aparté : quelle est l’idée du jersey sur l’envers ? Porter un pull à l’envers ? Dans le Larousse, l’endroit désigne le » Beau côté d’une étoffe, d’un vêtement, d’un objet à deux faces, celui qui a été fait pour être montré. » Pourquoi donc afficher l’envers ? J’aime certaines excentricités vestimentaires mais j’avoue que je ne suis pas convaincue par celle-ci. ]

Issu du catalogue Printemps-Éte 2018 N°685
Vivre c’est choisir. J’ai donc choisi l’endroit. Je n’étais toujours pas convaincue par l’association du gris et du vert. Et encore moins des rayures. Je n’ai jamais été fan des marinières. Pourquoi donc me lancer dans la confection d’un pull rayé ? Mais j’ai mis ce jugement de côté. Je me suis focalisée sur l’avancée de l’ouvrage. Une fois le dos et le devant terminés, j’ai réalisé qu’il allait me manquer des pelotes grises pour avoir des manches rayées identiques. Impossible d’en acheter d’autres car les pelotes soldées l’an dernier n’étaient évidemment plus disponibles. J’ai fait le choix de tricoter les manches dépareillées, en « freestyle » de rayures. Et miracle, cette décision a déclenché l’envie. Ce pull allait enfin me ressembler ! Et je l’ai achevé en septembre. Une fois terminé, je l’ai passé et je l’aime bien finalement. Ouf, un pull fait à la main et terminé que je vais mettre !

Tricoter pour donner du sens
Je tricote depuis toujours. C’est ma maman qui m’a appris. Après une pause pendant mon grand saut dans la vie d’adulte, j’ai repris le tricot lorsque j’étais enceinte de mon premier enfant. Il a 18 ans aujourd’hui et je n’ai plus jamais arrêté. De tricoter pour mes enfants, les autres ou pour moi. Le tricot représente l’activité zen par excellence qui me permet d’atteindre le « flow ». Ce fameux état mental – à la mode aujourd’hui – que l’on atteint lorsque l’on est concentré sur une tâche au point de tout oublier. Un engagement total qui procure beaucoup de satisfaction dans l’accomplissement. Réaliser une activité manuelle participe à ce plaisir : fabriquer, accomplir une tâche utile donne du sens là où la vie moderne en manque parfois.
Je tricote donc je suis
Ultra sensible, le tricot représente un prolongement de mon état d’esprit. Je ne peux pas tricoter lorsque je me sens trop mal. Je tricote comme j’avance dans la vie. Sans modération. Sans réfléchir. Et sans trop suivre le mode d’emploi. Je tricote à peu près. Des pulls trop petits ou trop grands. Et parfois des modèles parfaits.
Je tricote pour les gens que j’aime, je leur donne un bout de moi. J’avais commencé par exemple un pull pour un amoureux. À chaque conflit, tension, j’arrêtais de tricoter ce pull. Pendant les périodes apaisées, je le reprenais. Ce tricot est l’image de notre vie de couple pendant 8 ans… Après notre séparation, le pull est resté inachevé dans mon panier. Puis je l’ai repris et enfin terminé. Pour moi ! Porter ce pull d’homme représente une étape symbolique : celle où j’ai commencé à faire des choses pour moi. Celle où j’ai réussi à surmonter le passé pour me concentrer sur le présent. La vie, c’est comme un tricot. Et le tricot, c’est la vie !
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