Journal d’un isolement
Se confiner : S’enfermer, être enfermé dans un lieu (Larousse). Ces 3 jours clôturent la troisième semaine de confinement. De nombreuses personnes ont la sensation de ne plus percevoir la différence entre la semaine et les week-end avec l’isolement. Dans mon cas, c’est tout l’inverse. Car le week-end, pas de boulot ni de travail scolaire. Et j’en ai profité pour me plonger dans la vulgarité.
Jour 19 du confinement
Vendredi 3 avril
Dernier jour de la semaine et donc de travail scolaire ! Et c’est tant mieux ! Violette est focalisée sur les soins du Longues oreilles. Je suis donc obligée de hausser le ton pour qu’elle s’attèle aux devoirs… J’ai un nouveau appel d’un prof de Joseph… Vivement le week-end !
Joseph est en Seconde Pro Cuisine. Tous les profs sont très impliqués dans cet enseignement à distance et c’est super. Mais la soudaine fermeture des écoles leur a demandé d’improviser leurs cours numériques. Et nous devons nous adapter à cette improvisation : certains envoient le travail par mail, d’autres sur une plateforme numérique et d’autres encore par l’appli Whatsapp… Il faut donc surveiller ces 3 médias en permanence au risque de manquer une consigne ou un devoir. Cela fait beaucoup pour Joseph tête en l’air. Mais aussi pour moi en plus de tout le reste. Sachant que je n’ai pas Whatsapp ou accès à la boite mail de Jo… Bref, on n’est toujours pas au point. Je mets en place la bonne vieille méthode d’agenda de la semaine à l’écrit. Pour le plus grand plaisir de mon fils.
Cuisiner, manger, cuisiner, manger
Quand je constate qu’il a une autre recette de cuisine a réaliser et que je n’ai pas la moitié des ingrédients, je soupire. Nous sommes confinés. Invités à sortir le moins possible. Je viens de faire mes courses pour la semaine. Je vais devoir ressortir… Soupirs.
L’après-midi, j’ai Violette a fait un gâteau au chocolat pour son cours de maths. La maîtresse n’a donné que la quantité de sucre en grammes. Le reste des ingrédients est en fraction… Violette s’occupe du calcul. Je l’assiste pour la réalisation de la recette. Chacune sa spécialité !
Et je remplis ses obligations maternelles tout en travaillant, faisant des lessives, la préparation des repas, la vaisselle… Vivement le week-end !
Bilan du jour
Vivre en confinement avec ses enfants, c’est cool. Faire prof de maths, de cuisine, de Français, surveillante et proviseur, beaucoup moins…
Cuisine : comme une envie de fraîcheur dans ce monde de cookies ! Nous nous sommes donc régalés d’une salade de crudités composée de mâche, pissenlit, asperges, tomates accompagnée de toasts grillés de fromage de chèvre. Avec supplément pâté en croute pour les garçons dubitatif du vegan.
Tricot : le pull noir avance.
Lecture : toujours dans le pavé de 440 pages de Frederick Exley, À la merci du désir, publié chez Monsieur Toussaint Louverture. J’aimerai lire plus. Mais bizarrement le soir, je m’endors rapidement…
Jour 20 du confinement
Samedi 4 avril
C’est le week-end ! J’en profite pour me lever tôt. Paradoxal ? Non, seulement l’envie de profiter de ce temps sans pression ni emploi du temps au maximum !
Afin de respecter les règles du confinement, la ballade du chien dans la forêt d’à côté est la même depuis 20 jours. Il ne semble pas se lasser. J’essaye de la varier de temps en temps en sortant du sentier. On y croise des ronces, des tiques. Belle variante !
Violette est repartie avec Totoro chez son papa. La maison est calme. Pendant que les garçons dorment, j’en profite pour faire du rangement et ménage sans bruit. Je suis motivée pour passer l’aspirateur mais dans le cadre du Bien vivre ensemble je m’abstiens. Lorsque qu’ils se réveillent en début d’après-midi, je ne suis plus motivée. On verra demain.
L’après-midi, je trouve les ingrédients manquants dans notre petite épicerie de village. C’est la première fois que je suis aussi heureuse de trouver du mascarpone. C’est l’effet confinement !
Pendant que je brode la délicieuse injure fleurie à partir de la grille offerte par Lucile de Brode Pute, Joseph se lance en cuisine dans la réalisation des choux à la crème chantilly. Pour le pain, j’étais dans le coin pour l’aider. Je décide de le laisser cette fois en totale autonomie. C’est comme cela que l’on apprend non ? Et il apprend : ses choux sont tout raplapla et ont brulé. Ils passent directement de la plaque du four à la poubelle. Nouvelle tentative demain. Assisté de sa maman. À sa demande.
Bilan du jour
Jardinage : pour profiter du soleil et rempoter les plantes d’intérieur à l’étroit dans leur pot.
Cuisine : yaourts à boire à la pêche, tarte salée au fromage à raclette, poursuite du levain maison.
Broderie : parmi les activités manuelles, c’est celle qui me demande le plus de concentration et donc produit un effet apaisant incroyable. Mon esprit est focalisé sur l’aiguille, la toile, là où je dois piquer, le nombre de points à faire. Je le constate encore aujourd’hui. J’oublie le temps de quelques heures, la pression scolaire, pro et financière de cette crise. L’impression de tout mal faire. Et je brode en plus une injure. C’est le double effet apaisant. Contrairement à des fleurs, des oiseaux, des cœurs, broder une formule malpolie produit le même effet curatif que coucher ses récriminations sur papier. Broder Fuck You en points de croix me décharge de la colère ressentie pendant ce confinement. À l’encontre de ceux qui ne respectent pas l’isolement, ceux qui manquent de respect au personnel soignant, à ceux qui nous gouvernent. Ce sera donc ma nouvelle thérapie. La broderie d’injures. Merci Lucile, de Brode pute !
Jour 21 du confinement
Dimanche 5 avril
Le soleil est toujours là. Je traîne, je lis. Et je poursuis ma broderie malpolie Brode Pute. Je suis assez contente du résultat. Sur les réseaux sociaux, je découvre par hasard que l’un des mes auteurs BD préféré, Gilles Rochier, demande un soutien financier participatif pour sortir son prochain titre. L’Autre con coécrit avec Nicolas Moog, aux éditions Roquemoute. J’avais déjà ri aux éclats en voyant sur Instagram leurs échanges de SMS d’insultes. Ils en ont fait un récit épistolaire composé en plus de bandes dessinées et de dessins. J’adore l’idée, je soutiens ! Pour la modique somme de 12 € frais de port inclus.

Philosophie de la vulgarité
Fuck you en broderie, L’autre con en BD… Voilà un week-end parfait placé sous le signe des injures. Qui me correspond bien. J’ai toujours eu une tendance à adopter un langage vulgaire. Une femme me l’a un jour reproché en précisant : « C’est laid pour une femme. » Outre le sexisme de sa remarque, je ne suis pas d’accord. Jurer me fait du bien. Je trouve que ce genre de mots vont droit au but sans tergiverser, sans enrober. Je suis comme ça. Cela ne m’empêche pas d’être gentille, bienveillante, empathique. Prononcer des mots grossiers – lorsque c’est possible – m’apaise et me permettent d’y voir plus clair.
À l’inverse, des gens au langage châtié peuvent être irrespectueux. Et prétentieux, manipulateurs, voleurs, égoïstes, méchants. En écrivant ces mots, de nombreux exemples défilent dans ma tête. Je pense à certaines personnes croisées dans ma vie. Ainsi qu’à certains hommes politiques, d’affaires… Inutile d’aller bien loin. La distinction, la bienséance ne sont pas des garanties d’humanité, seulement des apparats. Oui je suis parfois grossière. Mais la vulgarité représente souvent un signe d’authenticité. Imaginez mon plaisir de broder Fuck you et de bientôt lire L’autre con !
Mon chou a fait des choux
Côté cuisine, j’ai préparé un dahl de lentilles et quinoa au curry. Et un pain de campagne avec mon levain maison ! Super bon mais pas encore complètement satisfaite de la cuisson et de la croute. Je pense essayer la cuisson en cocotte que Joseph a expérimenté la semaine dernière. Lui s’est attelé – une nouvelle tentative – à la réalisation de choux craquelin à la crème chantilly pour son cours de cuisine. Une recette difficile alors je l’ai assisté pour certains gestes. Notamment dessécher la pâte des choux pour éviter qu’elle ne s’écroule sur la plaque comme hier. On a passé un super moment. D’échange, de rires. De satisfaction. Comme à la levée des choux dans le four. Et sans carbonisation ! J’ai réalisé qu’il était minutieux, attentif. Le résultat était sublime et délicieux. Je suis fière de mon fils.
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