Confinement : jours 23, 24 & 25

Journal d’un isolement

Se confiner : S’enfermer, être enfermé dans un lieu (Larousse). J’ai déjà une tendance innée à cogiter, autant vous dire que l’effet du confinement ne ralentit pas cette manie… Récit de ces réflexions, prises de conscience et espoirs.

Jour 23

Mercredi 8 avril
Une fois n’est pas coutume, Violette décide de m’accompagner pour la première fois en balade avec le chien. J’en profite pour les faire courir tous les deux et leur jeter des bâtons – elle a de l’ADN de labrador c’est sûr. Ils sont calmés.

Totoro va bien. Il mange tout le temps. Un tempérament qui s’accorde parfaitement à notre famille. Lorsque je sors fumer une cigarette, j’ai déjà pris l’habitude d’aller le saluer. Il est complètement intégré dans notre zoo. Outre sa cabane, nous lui avons fabriqué un enclos extérieur. Trop petit à mon goût. Nous souffrons de ce confinement temporaire. Je n’ai pas envie de le faire subir à vie à un animal. C’était ma résistance principal à son intégration dans notre famille… En attendant l’agrandissement de son parc – faute de matériel -, je bricole une laisse pour qu’il puisse courir tous les jours dans le jardin. Je souris en voyant Violette suivre cette petite chose au bout d’un fil. Le chien les rejoindrait bien. On s’abstient.

No hablo geometria

La journée s’organise entre les devoirs, mon travail et la cuisine. L’école à la maison me fait prendre conscience que je n’ai pas le niveau CM1 en géométrie. Heureusement, Violette se débrouille mieux que moi. Je me remets à l’espagnol avec Joseph qui se moque de mon accent. Entre les deux, je réponds à des mails, envoie des interviews, écrit des articles. Avec une pause à chaque fois : étendre le linge, préparer une compote, faire un pain, plier le linge.

À 18h, je me connecte à la radio à laquelle je participe depuis plusieurs années. Depuis le confinement, nous réalisons nos émissions à distance. Avec les animateurs, nous sélectionnons chacun des nouveautés musique et enregistrons chez nous des chroniques de ces chansons. Le mixage du tout est programmé à distance. D’habitude, nous réalisons les émissions en direct et je prends rarement le temps de les écouter ensuite. Là, je peux en profiter. Si j’ai toujours du mal à m’entendre – entre mes bafouillages, tics de langage et mauvais placements de voix -, je prends un vrai plaisir à écouter mes amis. Ils me manquent.

Bilan de la journée

Yoga : 0. Compliqué avec le retour de Violette.
Cuisine : compote pomme poire, pain cuit en cocotte avec de la farine de maïs, blé et graines de lin, courge. Pâtes au thon – les pâtes c’est la vie. C’est un copain de lycée qui m’a appris cette sauce toute simple et les enfants l’adorent. Il suffit de faire réchauffer dans une casserole une boîte de thon avec de la crème et un peu de ketchup. C’est prêt ! Si vous êtes anti ketchup, une petite cuillère de concentré de tomate et de sucre fera l’affaire. Si vous êtes anti boîte de thon, n’importe quel poisson frais convient aussi.

Réapprovisionnement : 0. Toujours dans l’attente des devoirs du prof de cuisine de Joseph et donc des ingrédients pour la prochaine recette… J’ai quand même passé commande en ligne aux Jardins de Castelnau, producteur et primeur de fruits et légumes bio. Je la récupère vendredi à moins de 2 km de chez moi. Local, bio, respectueux des gestes barrière, c’est parfait !

Jour 24

Jeudi 9 avril
Levée très tôt. J’en profite pour lire, broder et écrire sur ce blog tant qu’il fait nuit et que la maison est calme. Joseph a mis son réveil : il est attendu pour une classe virtuelle à 9h30 ! Pour Violette, c’est à 14h. Je trouve l’engagement des enseignants pour maintenir un contact assez formidable. Je suis plus dubitative du tout numérique… Dans les Landes, de la primaire au collège, ils sont équipés par la Communauté de Communes puis par le Conseil général. Après, plus rien… J’ai donc économisé l’an dernier, pendant plusieurs mois, afin d’offrir un ordinateur à Joseph pour sa rentrée en seconde. Quid de ceux qui ne peuvent pas faire comme moi ?

 

Fracture sociale et numérique

Hier, j’ai entendu le ministre de l’Éducation Nationale expliquer qu’ils recensaient les élèves non équipés pour leur faire des envois postaux. Voire les équiper. Après un mois de confinement, il serait temps. Et comme pour le système de santé, il faut vivre cette crise pour que les dirigeants politiques réalisent la fracture. Depuis le début de l’année, Joseph a des devoirs à réaliser sur l’ordinateur ! Les élèves qui n’en ont pas peuvent utiliser ceux du centre de documentation du lycée. De vieilles bécanes qui moulinent. Et seulement pendant les heures et jours d’ouverture du lycée. Notre système éducatif n’est pas le pire dans le monde mais il reste tant à faire pour l’égalité des chances, le progrès social. Des priorités plus urgentes que les changements de programmes tous les 3 ans, non ?

Les enfants regardaient l’interview du ministre avec moi. Ils n’ont que 15 et 18 ans et ils ont été sidérés par ses réponses. Par exemple, il n’a pas confirmé ou exclu que l’école ne reprendrait pas avant septembre. Et quand le journaliste lui demande comment pallier le manque de socialisation des enfants avec l’école à la maison, il propose de les envoyer en colo cet été… Pas d’école en juin pour des raisons sanitaires mais des colos en juillet ? Les enfants m’ont demandé quelles études il avait fait pour en arriver là. Puis on a zappé… Bientôt c’est au tour de notre Président de parler. Spectacle du gouvernement presque tous les jours pendant le confinement ! J’ai acheté du maïs à pop corn, on sera prêt.

Bilan du jour

Boulot : work in progress, doucement
Lecture : lasse de la bêtise humaine (encore plus virale pendant ce confinement), je me délecte une nouvelle fois de la lecture de Open Bar de Fabcaro.
Cuisine : camembert rôti au four ! Le laisser dans sa boîte sans le papier ni le couvercle. L’emballer dans un papier (papier alu – beurk – papier cuisson – moins pire ?) et le cuire 15 mn à four chaud, au moins à 200°C. Le déguster avec une salade ou sur des pommes de terre.
Réapprovisionnement : Drive 1 / Produits manquants 15 ! Dont le pâté en croute, péché mignon de mon Jo en ce moment.
Projet : apprendre à faire un pâté en croute. Écrire la chronique de Open Bar de Fabcaro dans la rubrique Lectures.

Jour 25

Vendredi 10 avril
Il fait beau, je me sens bien. Dans la vie, nous ressentons tous et toujours des hauts et des bas, quelles que soient les circonstances. Parfois, même lorsque tout va bien. Là encore, la crise sanitaire amplifie les sensations.

la forêt de pins des landes en avril 2020 pendant le confinement.

Profiter du ralentissement

Cette semaine, j’ai beaucoup discuté pat téléphone ou en numérique avec des copains copines. Nous partageons quelques angoisses relatif à cette crise. Paradoxalement, le confinement ne nous pèse pas tant que ça. Nous vivons dans les Landes avec des jardins, entourés de nos familles. Nous aimons prendre le temps de faire les choses par nous-même, de fabriquer, cuisiner, cultiver.

Si le ralentissement d’activité professionnelle qui résulte du confinement nous inquiète, il a le mérite de nous laisser encore plus de temps pour assouvir notre plaisir à fabriquer, développer l’autonomie que nous avions déjà initié avant.

Cela fait quelques années maintenant que je vis ce ralentissement. Je n’ai pas attendu le confinement pour vivre la décroissance. J’ai toujours aimé cuisiner. Avoir des enfants m’a sensibilisée sur notre alimentation et la provenance ou mode de culture des produits. Ainsi, je privilégie les petits producteurs locaux et le bio quand c’est possible. J’ai commencé par ne faire que des gouters maison au enfants. Puis notre pain. Ensuite les yaourts. Enfin, Les produits ménagers. Et, les cadeaux.

Le jeu de la décroissance

C’est devenu un jeu. Les enfants me réclament un produit de l’industrie alimentaire ? J’essaye de la faire « maison » avec de bons ingrédients. Je vous conseille d’ailleurs sur ce thème, les recettes de La Super Supérette. Ces déclinaisons culinaires maison sont souvent des succès. Parfois des ratés ! Je me souviens encore de ma tentative de Napolitain, les biscuits plein de cochonneries que Yuri aime tant. Les miens étaient si hauts qu’il était compliqué de les manger et le biscuit trop dense a failli nous étouffer. Mais Yuri a apprécié mon geste et on a bien ri en mettant 5 mn à avaler une bouchée !

J’essaye de réduire aussi notre consommation d’énergie. Je suis en compétition avec moi-même depuis quelques années. Chaque année, nos factures diminuent. Et chaque année, je cherche des systèmes, des variantes pour aller encore plus loin. Cela a le mérite de réduire notre impact sur l’environnement. Et les factures. Surtout, ces réflexions et changements d’habitudes me font réaliser où se situent l’essentiel et le superflu. Le confinement accentue ce processus : je n’utilise presque plus la voiture !

Retrouver le temps, oublier la pression

N’en déplaise à Élisabeth Badinter – qui critique ce retour en arrière sexiste, on peut être une femme indépendante et s’épanouir dans l’apparente simplicité des tâches ménagères, culinaires ou maternelles. D’abord, ces plaisirs ne sont pas réservés aux femmes. Ensuite, c’est mon choix et non un mode de vie subi. On peut être féministe sans adhérer au capitaliste ni au consumérisme. Fabriquer des repas, des vêtements, des cadeaux prend du temps. Dans le même ordre d’idée, je me déplace à vélo plutôt qu’en voiture dès que possible. 5 mn en voiture équivaut à 15 mn en vélo. Je prends ce temps. Une réorganisation qui remet au centre l’équilibre et les rapports sociaux. Bénéfique pour moi, mes enfants, mes amis.

Forcément, adopter ce mode de vie implique de moins travailler. La durée d’une journée ne permet pas d’être mère au foyer, cuisinière, couturière et working girl. J’ai essayé d’être cette wonder woman mais je n’ai pas réussi. Et c’est justement cet échec quotidien qui me rendait si malheureuse et provoquait tant de frustration ! Depuis que j’en ai pris conscience et fait des choix, je travaille moins ET mieux. Les effets des récré nature et cuisine, la disparition de la pression que je m’imposais font que je suis plus sereine. Donc plus efficace.

Même en étant plus productive, cette réduction de temps de travail implique toutefois une réduction de ma rémunération. Mais gagner plus d’argent, pour quoi faire ? Je prends mon pied en faisant du levain, pas en achetant des bijoux ou un téléphone dernier cri. Mes cadeaux « maison » ne sont pas parfaits. Néanmoins, le temps de réalisation symbolise mes sentiments, mon engagement pour la personne à qui je l’offre. Plus intense que lorsque je passais 5 mn à acheter quelque chose dans un magasin.

Le choix de l’essentiel

Je travaille pour gagner le minimum vital, nous loger, nous nourrir. Cela exclut de nombreuses activités. Comme partir en vacances, aller au restaurant, acheter des produits de marque. Mais les rares fois où nous le faisons, nous l’apprécions d’autant plus. La routine et la multiplicité endorment notre perception des plaisirs. Tandis que la rareté la décuple.

Si je m’inquiète parfois des conséquences de la crise sur notre minimum vital, je me plais aussi à rêver avec mes amis de décroissance – Laurence, Laure, Dimitri, Emma, Sophie – que cette période particulière va – peut-être – développer chez certains la richesse de la résilience, de la lenteur, de la simplicité et du minimalisme. Et voilà un super plan à destination des dirigeants pour y arriver !

https://www.facebook.com/Permavenir/videos/673717903384116/
Merci à Sophie pour le partage de ce super plan !

Bilan du jour

Cuisine : une focaccia tomates mozza, des yaourts nature.
Réapprovisionnement : récupération de ma commande de fruits et légumes bio des Jardins de Castelnau. Plus savoureux et agréable que le drive d’un supermarché !
Plaisirs simples : balade du chien en forêt, étendre une lessive au soleil, cuisiner, parler décroissance avec ses amis, garder espoir.

 

 

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