Le plaisir de la frustration

La voie du bonheur

Après 2 mois d’interdiction, nous avons savouré le plaisir d’accéder à nouveau aux plages landaises. Fouler le sable, marcher au bord de l’océan. Ouvrir les perspectives, respirer le grand air, régaler nos yeux de lumière et nos oreilles du ronron de l’océan. Un bonheur intense que nous avons la joie de ressentir depuis presque 12 ans, depuis notre arrivée dans les Landes. Un plaisir décuplé après cette coupure de 2 mois. Et qui me fait à nouveau réaliser que la frustration n’est pas que négative. Car elle présente le mérite d’engendrer du recul, remettre la réalité en perspective et restaurer le goût de la jouissance.

Après l'interdiction de plage pendant 2 mois, saveur de la retrouver

La frustration positive

Depuis plusieurs années, je connais la frustration. Mes finances ne nous permettent pas de nous offrir tout ce que nous souhaitons. Des objets, des voyages, des envies. Nous en avons mais nous les laissons souvent de côté par manque de moyens. Nous ne nous interdisons pas pour autant de rêver. Et parfois le rêve se réalise. Après des mois voire des années d’attente. Et le plaisir n’en est que plus grand.

J’ai commencé à expérimenter la frustration de manière intensive en 2007. Suite à la combinaison d’une activité professionnelle sans revenus et un changement de vie familiale soudain. J’ai pu continuer à vivre et nourrir les enfants grâce à des prêts de la famille et d’amis. Mais chaque centime dépensé devait être rendu. Cette réalité financière m’a appris à me contenter du minimum. Paradoxalement, cette période difficile n’a pas été malheureuse. Après des années d’opulence pas forcément heureuses, j’expérimentais le minimalisme. Et ce dépouillement contraint m’a allégée la vie.

Se dispenser du superflu

Dépenser le minimum vital engendre le dépouillement. C’est-à-dire l’élimination du superflu. J’ai réalisé de tout ce dont nous pouvions nous passer, tout ce qui n’est pas absolument nécessaire. Et se contenter de l’essentiel a vraiment allégé le quotidien. Pendant plusieurs années, nous avons donc moins consommé, amassé, entassé et notre vie s’est retrouvée plus légère. Physiquement, avec moins d’objets inutiles. Psychologiquement aussi en arrêtant d’obtempérer à la société de consommation.

Minimaliste et plaisirs simples comme la joie de voir pousser une plante sur la plage

Vivre avec l’essentiel n’empêche pas de rêver. Mais nos souhaits prenaient d’autres allures. Et lorsque nous parvenions à en réaliser un, la patience décuplait le plaisir de le satisfaire. L’attente intensifie la jouissance tandis que l’immédiateté la banalise. Depuis cette période, je ne suis pas devenue riche. Ce train de vie économe convient donc parfaitement à mes revenus modestes. Malgré les apparences, il correspond à un choix. Je n’en souffre pas et il m’apaise. Je ne dis pas que lorsque ma voiture tombe en panne, je n’aimerai être autonome pour la être capable de la remplacer… Mais je crois vraiment que si je gagnais plus d’argent, je n’aurai pas plus envie d’en dépenser. J’apprécie ce mode de vie frugal. Et chaque année, je fais des pas de plus vers l’austérité.

Je ne consomme pas donc je suis

Cet attrait pour une vie d’ascète s’explique évidemment par la prise de conscience de l’impact néfaste de l’humain sur notre planète. Je ne souhaite pas participer à l’industrialisation et la consommation à outrance. Cela signifie qu’avant d’acquérir un nouvel objet, je me demande à chaque fois s’il est vraiment nécessaire ou si je peux m’en passer. Et dans la majorité des cas, la réponse s’est révélée positive.

Je prends donc le temps et n’achète plus rien de manière compulsive. Je réalise ainsi souvent que ces envies ont été suscitées par notre société. Qu’elles ne représentent pas un besoin mais plutôt une manière de se différencier, d’exister au sein de notre monde moderne. J’essaye donc d’exister, de me structurer autrement qu’en consommant. Je réfléchis au sens plutôt que de me laisser manipuler par des émotions superficielles ou artificielles. En quête de satisfaction durable et non éphémère.

Aller vers la simplicité

Au-delà de l’acte d’achat, cette vie frugale m’a fait redécouvrir le plaisir des choses simples. Je dépense par exemple peu dans le domaine des loisirs. Les balades en pleine nature, forêt ou océan, me rendent plus heureuse qu’une soirée dans un bar ou l’achat d’un objet. Nous allons peu au restaurant. Mais la fois où nous nous l’autorisons dans l’année, nous savourons cette chance beaucoup plus que lorsque j’allais y déjeuner tous les midis !

Choisir ce mode de vie n’est pas simple avec des enfants. Encore moins lorsque la plupart de leurs amis vivent dans l’opulence. Yuri et Violette aiment dépenser. Mais je sais qu’après des mois à avoir désirer un bien, ils prennent conscience que l’attente compte beaucoup dans leur plaisir de posséder. J’essaye donc de leur apprendre à ne pas céder à la satisfaction immédiate. Et parfois, ils s’aperçoivent que l’objet si fort de leur désir a disparu seulement après quelques semaines…

Je ne suis pas une extrémiste non plus et je sais parfois assouplir mes principes austères. Je n’achète par exemple jamais de soda car ce n’est pas essentiel. Pourtant lorsque nous partons en vacances et que je prépare un pique-nique, je leurs achète une bouteille pour célébrer notre départ. Cette entorse leurs fait plaisir. Et ils savourent la boisson sucrée beaucoup plus que s’ils ne la trouvaient au quotidien dans notre frigo.

Joseph, maître es minimalisme

Joseph est né ascète. C’est un penchant inné chez lui. Il manifeste rarement des besoins et semble ne jamais avoir d’envies. Il est mon maître. Les livres ? Autant les emprunter à la bibliothèque. Les vêtements ? Il se contente du minimum et se moque des marques. Il ne voit aucun intérêt à lui faire des cadeaux. Il préfère que l’on passe du temps à lui cuisiner un bon plat ou une pâtisserie. J’ai cru qu’à l’âge de l’adolescence, la pression de ses pairs allaient l’influencer. Il a presque 16 ans et ce n’est toujours pas le cas…

Je me souviens d’une mission dans un magasin de déco pour acheter un nouveau canapé. Comme les enfants n’étaient pas emballés par l’activité, je leur ai proposé à chacun de choisir un objet pour leur chambre, le genre d’achat que l’on ne fait jamais. Yuri et Violette, enchantés, en ont trouvé plusieurs et n’arrivaient pas à choisir. Joseph est arrivé à la caisse les mains vides. Je lui ai proposé de refaire un tour pour trouver quelque chose. Il a décliné gentiment en m’expliquant qu’il n’avait besoin de rien et ne comprenait même pas pourquoi nous changions de canapé. Alors que le nôtre, un don de mes parents, avait quelques années au compteur et une assise qui le privait de sa fonction première…

Précieuse simplicité

À l’instar de Joseph, platonicien de naissance, je tend donc pour une vie simple et non opulente. Une existence en accord avec la nature qui me permet d’atteindre un état de calme intérieur. Une vie détachée des excès pour atteindre l’équilibre. C’est certainement pour cette raison que les privations entrainées par le confinement ne m’ont pas traumatisée. Comme je l’avais expliqué dans un épisode du Journal de confinement, j’avais commencé à expérimenter le ralentissement et la rareté avant. Et depuis la reprise de certaines libertés, je mesure et savoure les plaisirs qu’elles procurent. En gardant à l’esprit leur saveur sans les banaliser. Consciente de leur richesse.

Vivre en accord avec la nature pour trouver un accord avec soi-même

Je ne suis pas sage mais j’aspire à la sagesse. Dans cette optique, je vais me replonger dans les œuvres de Platon, comme La république mais aussi Apologie de Socrate. Ces pères de la philosophie que l’Éducation nationale n’a pas réussi à me faire apprécier à leur juste valeur. Mais que la vie me donne envie de suivre pour approfondir cette recherche d’accord de soi.

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