BD sur Bloom face aux industriels de la pêche électrique
Ma recommandation de lecture aujourd’hui s’adresse aux lecteurs de bandes dessinées. Ainsi qu’à tous ceux qui ne sont pas des adeptes du 9ème art mais concernés par la protection de l’environnement et à ce qu’ils mettent dans leur assiette. Il s’agit de Fraude qui peut !, une BD de Sébastien Girard, sortie le mois dernier chez Delachaux et Niestlé. Et sous-titrée : Bloom face aux industriels de la pêche électrique.

Je suis le combat de l’association Bloom depuis de nombreuses années. Association fondée en 2005 par Claire Nouvian et qui œuvre pour la protection des écosystèmes marins. De mémoire, je m’intéresse à cette association depuis son combat contre la pêche en chalut et en eaux profondes. Bataille qu’ils ont remporté avec une interdiction de l’Union européenne.
Depuis, l’ONG poursuit un autre combat : celui de la pêche électrique. Bien que je sois attentive à ce dossier, je n’étais pas certaine de tout comprendre tant les lobbies sont experts dans l’art de contourner les lois… Et tant la législation est à la fois complexe et pas très claire. En découvrant cette bande dessinée en librairie, je me suis tout de suite dit que c’était une excellente occasion d’y voir plus clair. Et je n’ai pas été déçue !
L’histoire d’un combat pour le vivant
La pêche électrique est une méthode de pêche en chalut qui utilise de « gros filets » équipés d’électrodes. Le champ électrique généré fait décoller les poissons du fond marin pour les attraper avec le filet… Dans cet ouvrage, Sébastien Girard raconte en textes et en images le combat titanesque du pot de terre contre le pot de fer. À savoir le dossier de la pêche électrique défendu par cette petite ONG contre un puissant groupe d’industriels. À travers la voix du calamar cochonnet, symbole de Bloom. On comprend parfaitement comment ce combat est né au sein de l’association. ONG pourtant épuisée après des années de lutte au sujet du chalutage en eaux profondes.
La pêche électrique, une méthode de pêche très destructrice mais évidemment très efficace et rentable, est interdite par la loi. Mais les industriels de cette pêche se sont armés d’une armée de lobbyistes qui travaillent sans cesse à obtenir des dérogations à cette loi. La BD relate comment ces derniers mènent une intense activité au sein de la Commission européenne et auprès des politiques des pays concernés. Tel un reporter, Sébastien Girard expose, après avoir suivi l’équipe de Bloom, comment ces quelques personnes seulement, menée par Laetitia Bisiaux, chargée de projet sur la pêche électrique, font face à ces manœuvres pas toujours légales pour tenter de faire respecter la loi.

Le pot de terre contre le pot de fer car l’équipe de Bloom est évidement bien moins nombreuses que les armées de lobbyistes… Et que l’association dispose aussi de bien moindres moyens financiers que les industriels de la pêche. C’est vrai que derrière toutes les actions de communication de Bloom, toujours bien pensées et écrites, on pourrait penser que c’est une ONG gigantesque composée d’une centaine de personnes engagées à travers le monde. Et bien pas du tout… Et le livre a le mérite de resituer ce contexte aussi.
Violation de la loi en toute impunité
Fraude qui peut ! représente aussi une bande dessinée indispensable pour comprendre les rouages politico-industriels impitoyables en faveur du seul profit et au détriment de la vie marine. Malgré la complexité de ce dossier, l’auteur et dessinateur restitue parfaitement ce combat de manière pédagogique. Les dessins sont simples et parlants. Comme pour démontrer la multiplication des flottes de bateaux de pêche électriques largement supérieures à ce qu’autorise la loi. La bande dessinée est bavarde car les lois, les chiffres, les infos sont nombreuses. Mais l’auteur a su synthétiser l’essentiel pour rendre ce dossier digeste.
Surtout dans le texte comme dans le dessin, il ne manque pas d’humour pour traiter l’absurdité de la réalité : le contournement pur et simple de la loi, les manigances honteuses des industriels, les blocages et lenteurs de l’administration, des États ou de l’Union européenne. Les faits relatés démontrent que les hors la loi parviennent à leurs fins avec la complicité des Pays Bas et le mutisme de la Commission européenne. C’est vrai qu’il vaut mieux en rire que d’en pleurer ! Mais les raisons de pleurer sont nombreuses…
Un scénariste et dessinateur engagé
Raconter ce combat de Bloom en BD est une excellente idée. Cela permettra indéniablement de sensibiliser un public plus large à la protection de la vie sous-marine. Et de mettre en lumière l’action de cette formidable association Bloom tout comme les pratiques dégoutantes des industriels. Une BD qui éveille pour que nous puissions ensuite exercer notre pouvoir de citoyen en votant aux élections – y compris les européennes… Tout comme notre pouvoir de consommateur en vérifiant les méthodes de pêche des poissons sur l’étal. Afin de boycotter ces malheureuses victimes de la pêche électrique…
Enquêter, relayer des dysfonctionnements de notre société en roman graphique, c’est la pâte de Sébastien Girard. Il avait déjà signé Chronique d’un kidnapping aux Éditions Félès en 2021. Une BD sur l’enlèvement d’une petite fille à sa famille par le système judiciaire français. Avec ce livre réalisé après un an d’analyse des témoignages et des rapports, il tentait de comprendre comment un tel drame avait pû arriver. Dans ces 2 ouvrages, le scénariste et dessinateur ne prend pas parti. Il se contente d’exposer les faits. Et dans Fraude qui peut, ce sont bien ces données factuelles seules qui se révèlent à chargent contre les industriels, les Pays Bas et la Commission européenne…
Cette bande dessinée coûte 14,90 €. Et Sébastien Girard reverse tous les droits d’auteurs de ce livre au profit de l’association Bloom. Donc en l’achetant et le lisant, vous vous informez et soutenez le combat de Bloom ! Enfin, si vous avez envie de sensibiliser les plus jeunes, en mai cette année, est également sorti aux Éditions Thierry Magnier l’album Maman les petits bateaux, en partenariat avec Bloom. Un album jeunesse qui, partant de la célèbre comptine, dénonce la pêche industrielle. Vous trouverez évidemment ces 2 titres chez tous les bons libraires.

