Confinement / jours 29 &30 : entre espoir et réserve

Journal d’un isolement

Se confiner : S’enfermer, être enfermé dans un lieu (Larousse). Après le discours du Président et le prolongement du confinement jusqu’au 11 mai, la France se divise en deux camps. Certains reprennent espoir avec cette échéance et se projettent dans l’après. D’autres restent plus dubitatifs sur la faisabilité et les répercussions d’un dé-confinement. Entre les deux, mon cœur balance. Pendant ce temps, on poursuit notre recherche d’équilibre dans la nature, la cuisine et la lecture.

Jour 29

Mardi 14 avril
La forêt, beaucoup plus fréquentée depuis le confinement, ressemblait au périph en heure de pointe ce matin. Si je me réjouis que les poilus du quartier sortent plus qu’à l’accoutumée, ce n’est pas le moment où j’éprouve le besoin de sociabiliser. Nous empruntons donc des chemins de traverse. Avec leur lot de ronces et de tiques. Mais aussi d’odeurs d’animaux sauvages. Mon poilu est ravi.

balade animal de compagnie chien confinement

La France en éveil malgré le confinement

Assez étrangement, les gens se sont réveillés. J’ai reçu de nombreux appels et mails pour le travail toute la journée. Est-ce que ce 29ème jour depuis la fermeture des école et le 28ème depuis le confinement symbolise la digestion de cette période irréelle et la fin de la mise en veille professionnelle ? Est-ce l’annonce du 11 mai par notre Président ?

Pourtant, cette date représente plus un nouveau prolongement de la période de confinement qu’une issue. S’il a évoqué la reprise de l’école et envisagé un dé-confinement, les bémols et les conditions étaient nombreux. Beaucoup ont critiqué la réouverture des écoles et des crèches. Malgré ces doutes, l’annonce de ce jour représente pour beaucoup de personnes une lueur d’espoir. De plus en plus de restaurants et magasins autres que alimentaires proposent des services de drive. Aussi incertaine qu’elle soit, l’échéance annoncée permet d’envisager la vie d’après, les projets. Je me remets donc au boulot sérieusement.

Apprenti commis de cuisine

En attendant une éventuelle reprise de l’école, il faut continuer à faire les devoirs. Après les maths, l’espagnol, Joseph se lance dans la réalisation de sa charlotte au fraises pour le cours de cuisine. Les biscuits à la cuillère sont prêts, il ne lui reste plus qu’à préparer un appareil à bavarois avec de la chantilly et des fraises puis d’assembler le tout. Encore une fois, je me transforme en commis pour ne pas l’abandonner à l’apprentissage de gestes et de techniques qu’il n’a jamais pratiqués.

Malgré ma passion pour la cuisine, j’avoue parfois être larguée par certains termes ou procédés – mais pourquoi donc ces biscuits à la cuillère ne montent pas ? Là encore, je me demande comment font les élèves dont les parents ne cuisinent pas. L’enseignement à distance n’est pas la meilleure méthode pour les matières techniques ou artisanales. Je me console avec le fait que Joseph n’a pas choisi chaudronnerie ou menuiserie…

Répartition des tâches

Le soir, c’est Yuri qui s’attèle à la préparation du repas. Depuis presque un an, j’ai copié ma copine Christel qui a instauré chez elle un roulement de la préparation des repas avec son mari et ses enfants. Faute de mari, c’est donc avec les garçons que nous pratiquons cette répartition. Ils réalisent des choses simples mais cela me décharge énormément plusieurs fois par semaine de la question qui taraude toutes les ménagères : qu’est-ce que je vais faire à manger ce soir ? Et qui me laisse du temps libre pour d’autres tâches ménagères ou des loisirs. Je vous assure que tricoter ou lire sur le canapé pendant que votre progéniture s’agite en cuisine est plus que savoureux.

Cette répartition des tâches présente aussi une dimension sociale : les ados sortent de leur chambre et parlent. Ainsi qu’un rôle éducatif : en apprenant à cuisiner des basiques, ils ne mangeront pas que des céréales et des gâteaux secs une fois qu’ils auront quitté le nid. Le fait de gagner des points auprès de mes futures belles-filles est en bonus.

Égalité homme / femme à la maison

Pour le reste des tâches ménagères, chacun s’occupe du ménage de sa chambre. Ils m’aident aussi – y compris Violette – pour mettre et débarrasser la table, vider le lave-vaisselle, sortir les poubelles, gérer le bois de chauffage. Ce n’est pas de l’esclavage mais une juste répartition des obligations de la vie quotidienne. Afin que je ne devienne pas leur esclave – nuance. Et qui libère du temps pour m’occuper d’eux : faire le taxi, les aider aux devoirs, les écouter, jouer… Une manière de faire plutôt naturelle et pourtant je ressens parfois que je reste malheureusement une avant-gardiste. Les garçons m’ont souvent confié l’étonnement de leurs copains ou des parents des copains s’ils évoquent l’une de ces missions. L’égalité homme-femme, ce n’est pas pour tout de suite…

Bilan de la journée

Boulot : presque une journée normale !
Cuisine : Les pasta de Yuri ! Glace à la fraise maison. Il restait du mix chantilly fraises, je l’ai recyclé en glace avec la sorbetière. C’était délicieux et m’a déculpabilisé pour la non-utilisation de cet appareil depuis 2 ans…
Bricolage : j’ai fini ma broderie Fuck You d’après la grille de Brode Pute et je n’en suis pas peu fière ! La broderie est déjà une thérapie en soi – lavage de cerveau garanti en étant focus sur une activité au point de tout oublier + satisfaction du travail manuel accompli. Celle-ci m’a en plus vidé de mes énergies négatives. Les injures brodées s’ajoutent donc aux injures verbales pour canaliser ma colère. Brode Pute devrait être remboursée par la sécu. Pour retrouver sa grille et ma philosophie de la vulgarité, c’est par !

broderie au point de croix grille Brode Pute

Jour 30

Mercredi 15 avril
Levés tôt. Et cette marque du pluriel ne concerne pas le poilu mais Joseph ! Il a classe virtuelle avec le prof de cuisine à 8h30. Il est au bout de sa vie… À 9h30, fin du cours : il retourne se coucher !

Le frigo est déjà presque vide alors que les dernières courses remontent à jeudi (supermarché) et vendredi (primeur bio)… Les enfants ont un sacré appétit, nous cuisinons beaucoup. Et je ne suis pas encore au point pour estimer la quantité de nourriture pour une semaine. En effet, pour ne pas gâcher, j’ai pris l’habitude depuis plusieurs années de faire les courses pour 2 ou 3 jours. Chez le primeur, le boucher, la Vrac Mobile. J’achète seulement ce qui nous manque. Je cuisine en priorité ce que j’ai avant de faire de nouveaux achats.

Fin de la pénurie due au confinement ?

Depuis un mois, pour respecter au maximum le confinement, j’essaye comme tout le monde d’espacer les courses. Et de prévoir pour une semaine entière. Mais avec 2 repas par jour plus les petit-déj’ et les goûters pour 4 personnes, cela fait trop de quantité pour mon esprit minimaliste. Je repars donc en mission réapprovisionnement… Le magasin Vrac & Bio est fermé. Pour ne pas être sortie pour rien, je fais quelques courses dans un mini-supermarché. Les rayons semblent plus fournis – la farine a refait son apparition. Sortir de la pénurie de vivres confirme un retour à une vie normale. Un petit signe. Mais un signe quand même.

Au retour des courses, je récupère Violette. La maison se réveille brutalement avec ses idées, ses questions, ses envies. Elle est en pleine forme ! La maison avec et sans Violette, c’est vraiment « deux salles, deux ambiances » ! Et on célèbre Pâques et son retour tous ensemble avec une chasse aux chocolats dans le jardin. Sorte de course contre la montre pour en trouver le plus. Et les sauver du poilu.

Bilan de la journée

Boulot : à fond.
Cuisine : dégustation de la charlotte aux fraises de Jo, succulente. La présentation n’est pas parfaite mais ça viendra, il débute ! Yuri et Violette ne sont pas friands de desserts aux fruits. Joseph et moi allons devoir nous sacrifier.

Charlotte aux fraises avec biscuits à la cuillère maison
Hachis parmentier / salade, un bon plat des famille qui satisfait l’appétit des gars et réjouit Violette.
Pain en cocotte à la farine de Kamut, une céréale cultivée à l’origine en Egypte et aujourd’hui principalement au Canada de manière biologique (après l’abandon de sa culture, c’est un canadien qui en a retrouvé une graine !). Plus riche en fibres, protéines et minéraux que la farine de blé. Cette céréale fait un bon score au scrabble aussi.

pain maison à la farine de kamut et cuit en cocotte
Lecture : J’ai mis de côté le livre rocambolesque de Exley, À la merci du désir. Plutôt besoin de douceur et sa vie chaotique ne remplit pas ce critère. À la place, je me suis plongée dans Le Liseur du 6h27, de Jean-Paul Didierlaurent. Si là encore les personnages, des gens ordinaires, se trimballent quelques névroses, ce titre poétique recèle la tendresse et l’humanité qu’il me fallait. Comme une envie de lecture optimiste ! Je l’ai acheté en édition folio il y a quelques semaines. En vieillissant, j’apprécie les belles éditions brochées. Mais J’aime toujours autant les poches, ils me rappellent ma vie d’étudiante. Quand j’étais jeune et jolie.

 

Femme active et maman de famille nombreuse

Mais pas wonder woman…

Comme je l’ai expliqué dans la section à propos, je travaille et suis maman de 3 enfants. Cela implique une sacrée organisation et une bonne dose d’optimisme. Mais cela ne suffit pas toujours. Depuis plusieurs semaines, je me sens fatiguée, à fleur de peau (à peine irritable…), débordée… Bref au bord de la crise de nerf.

Ma table de salle à manger / Bureau : le bazr à l'image de la vie, parfois...
Ma table de salle à manger / Bureau : le bazar à l’image de la vie, parfois…

La faute à la fin de l’hiver évidemment et au manque de lumière et de soleil. Mais aussi à mon rôle de maman solo de 3 enfants. Pas tant d’enfants que ça en fin de compte mais qui me classent quand même dans la catégorie famille nombreuse. Et sous-entend un marathon quotidien : courses, repas, taxi entre l’école primaire, le collège, le lycée, les activités, rendez-vous profs, médecins, dentiste, coiffeur, etc. Sans compter que pour le bien-être de ma petite famille, je me suis mise en tête de tout cuisiner maison : pain, yaourts, goûter, repas.

Bref, une vie complète de maman au foyer ! Sauf que je travaille… A temps plein. Indépendante pour gérer mon temps… Que je ne gère plus du tout. Cet automne-hiver, tout était réglé comme du papier à musique. En théorie… Dans la pratique, les dossiers simples qui devaient parfaitement s’enchaîner sont devenus complexes et se chevauchent. Bref, je vais craquer ! Alors j’ai décidé d’appliquer des petits trucs & astuces pour sortir la tête de l’eau. C’est parti !

La Manie des listes

Je fais des listes pour tout : les rendez-vous à prendre, une course à faire, un gros dossier à finir, un mail à envoyer, les yaourts à faire… Tout ! Y compris de petites missions. Elles sont consignées et mises à jour dans mon bullet journal, mon second cerveau.
1 – Ca permet de ne rien oublier.
2- Cela a tendance à éviter (un peu) la procrastination concernant les tâches ingrâtes.
3- Cela induit de cocher de nombreuses missions lorsqu’elles sont remplies. C’est bon pour le moral, pour l’égo !

La théorie de la relativité

Théorie inculquée par mes parents et qui consiste à mettre en perspective une existence auto-centrée avec les millions d’existences qui nous entourent. Relativiser mes petits soucis en somme. C’est-à-dire : je vis dans le sud des Landes, mes enfants et moi-même n’avons pas de soucis majeurs de santé, nous mangeons à notre faim et je ne casse pas des cailloux en Chine pour survivre. Je sais que cette théorie de la relativité agace certaines personnes : ce n’est pas parce que nos problèmes quotidiens sont minimes à l’échelle de la planète qu’il faut les ignorer. Moi, cette méthode, je l’aime bien et elle fonctionne souvent !

Projection dans le futur

Une période difficile à passer reste par définition une période. S’imaginer dans le futur, les mauvais moments passés, permet de tenir le cap et de supporter le présent. Aujourd’hui, je me sens débordée. Après après-demain, ça ne pourra pas être pire ! Donc ça ira forcément mieux…

 

Lâcher-prise

Dire stop à mon extrémisme. Admettre que je ne suis pas wonder woman ! Et lâcher prise. J’ai trop de travail en ce moment ? Et bien, je diminue mon rôle de mère au foyer. J’achète des yaourts, du pain ou des gâteaux dans le commerce par exemple. Les enfants n’y voient aucun problème. Trop fatiguée pour me remettre sur l’ordi le soir ? Je vais me coucher, je serai plus productive le lendemain. Un dossier ne se passe pas comme prévu ? C’est pas grave, ça ne changera pas la face du monde…

Se faire du bien

Chien Husky relax sur la plage...
Le chien : en voilà un dans la famille qui ne risque pas le burn out…

 

Lâcher-prise sur les choses qui ne sont pas essentielles. Mais ne rien céder sur les moments qui peuvent me faire du bien ! Même débordée, je poursuis mes marches quotidiennes dans la nature avec mon poilu. Pour son bien-être… Et le mien. Ces quelques minutes tous les jours à marcher sur la plage ou dans la forêt représentent des pauses, des silences essentiels pour tenir le cap. Excepté pour faire de belles photos de nature, je n’utilise pas mon téléphone pendant ces moments. Pas d’appels, de mails, de réseaux sociaux. Une à deux fois par jour. De vraies respirations !  Je vous rassure le concernant, on ne peut pas dire qu’il frôle le burn out…

Profiter des choses simples

Je suis maman solo. Les 2 garçons vivent à temps plein avec moi et vont chez leur père un week-end par mois ainsi que la moitié des vacances scolaires. La benjamine vit la moitié de la semaine chez moi et l’autre chez son papa, pour les week-end c’est un sur deux. Donc si vous avez tout suivi, un week-end par mois au minimum, je suis sans enfants !

Passé le cap de la culpabilité et du manque, j’arrive désormais à en profiter à fond : vivre ces deux jours en ne pensant qu’à moi, sans horaires ni contrainte. Je mange et dors quand je veux, je peux passer l’aspirateur à 22h, partir en balade avec le chien à 6h du mat, prendre le thé avec des copines, manger devant mon ordi du pain et du fromage (ou que du pain vu que j’ai pas fait les courses !). Tricoter, coudre, broder sans limite de temps. Une vraie bouffée d’oxygène qui me permet de recharger les batteries ! Un luxe quand on est parent.

La méditation

J’essaye depuis peu. Aidée du livre 3 minutes à méditer, de Christophe André. Cette introduction ludique et simple à la méditation existe aussi en podcast audio sur France culture. Et ça commencer à porter ses fruits ! Ces quelques minutes centrées sur ma respiration, à tenter de faire le vide, m’aident vraiment à diminuer le stress ou les angoisses. Gymnastique de l’esprit à poursuivre !

Demander de l’aide

J’ai tendance à me recroqueviller dans ma coquille quand cela ne va pas et me couper du monde extérieur. Bien entourée par ma famille et mes amis, j’apprends à leur demander de l’aide. Les appeler, les voir pour leur dire que cela ne va pas. Que je n’y arrive pas, que c’est trop difficile. Vider son sac fait du bien. Et souvent ils m’apaisent en m’aidant à remettre les choses en perspective. Ou à me changer les idées et me divertir de mes ruminations ou angoisses.

Craquer une bonne fois pour toute

Quand tout va bien (ça arrive), je n’ai pas besoin de trucs & astuces. Mais pour les périodes difficiles, y penser et y avoir recours m’aide souvent. Parfois non. Parce que je ne suis pas une wonder woman. Je suis être humain, en quête de paix et d’équilibre, mais également doté de sentiments, de faiblesses. Alors parfois je craque. Je pleure, je crie, je m’énerve. Au choix… Pas les trois à la fois quand même ! Et ça fait du bien aussi. Allez, tout va bien se passer 🙂