Confinement / Jours 46 à 48 : reprise en main

Journal d’un isolement

Se confiner : S’enfermer, être enfermé dans un lieu (Larousse). Le moi de mai commence par un long week-end. Parfait pour reprendre les choses en main, se détendre avant la fin du confinement.

Bullet journal mai page de garde

Jour 46

Vendredi 1er mai
Nous y voilà. En mai. Le confinement depuis la mi-mars a fait défiler le temps. Comme si le début du printemps avait été effacé. Cette pause imposée et angoissante a provoqué chez de nombreuses personnes des envies d’activités pour contrer l’ennui. Entre les enfants, le boulot et la logistique famille, je n’ai pas encore eu le plaisir de m’ennuyer. Mais j’ai besoin de décompresser. Par exemple, j’ai pris plus de temps pour préparer la page de garde de mai de mon bullet journal. Plusieurs soirs, j’ai écris, reproduit le mot mai. Un exercice parfait pour me vider la tête. Pour ne pas me laisser avoir par la facilité de la répétition et rester concentrée sur chaque lettre, sa taille, sa position.

Un temps de chien

Jour férié. Pourtant, je travaille un peu. Le temps est pluvieux. Après avoir profité d’une accalmie pour promener le chien, je finis de cocher les missions pro de la semaine inscrites sur mon bullet journal avant le réveil des enfants. Machinalement. Pour avancer. L’arrivée d’un mail avec plusieurs pages d’une maquette me remonte le moral. C’est l’intérêt d’un projet collectif ambitieux. Il ne se concrétise que par la force des uns et des autres. La synergie entre des envies, des compétences, des tempéraments. Un équilibre entre les phases de découragement des uns et l’ébullition des autres. Ce mail tombe à point.

Comme un samedi

Une fois que les enfants sont levés, ce vendredi se déroule comme un samedi : rangement, ménage. L’après-midi, broderie, tricot et lecture. Le temps nous donne envie avec Violette de regarder un film tout en avançant sur notre coloriage géant acquis au Musée du Quai Branly il y a au moins 7 ou 8 ans. Le programme télé affligeant nous fait éteindre la télé et ranger le coloriage. Ce n’est pas ce week-end ni pendant ce confinement que nous le finirons. Il fait plus de 2 mètres. Violette se décourage. Je persiste. Un jour, il sera fini et accroché dans notre chambre !

Malgré la pluie nous laissons le lapin gambader dehors. Il ne cherche d’ailleurs pas à s’abriter et broute sous les torrents d’eau. Lorsque nous finissons par le rentrer pour le sécher, le poilu se prend pour sa mère et s’applique à le lécher. C’est la mignonnerie du jour.

Bilan de la journée

Boulot : un peu.
Bricolage : ménage, broderie, tricot, coloriage.
Ravitaillement : récupération de ma commande en ligne de fruits et légumes bio des Jardins de Castelnau.
Cuisine : sauté de porc et petits légumes au safran. Les garçons valident, Violette boude la viande. Elle devient presque végétarienne. Sauf pour le chorizo…

Jour 47

Samedi 2 mai
Le soleil est de retour. Le matin, je m’active dans la maison et fait une pause en forêt avec le poilu. L’après-midi, nous nous lançons dans une mission de reprise en main du jardin. Avec l’aide du papa de Violette. Et des enfants. Enfin, Joseph et Violette – Yuri dort…

En famille

C’est assez étrange d’évoluer tous les 4 dans un même espace, de se parler. D’être ensemble plus de 5 mn, 5 ans après la séparation. Nous remplissons notre mission avec succès. Le jardin est nickel. Nous sommes sales et en sueur. Tout le monde s’est parlé gentiment. Je suis touchée. Que les enfants aient participé de bon cœur – presque – sans râler. Mais aussi que le papa de Violette ait proposé son aide. Et que nous arrivions à nous parler gentiment. Si une séparation est toujours une douleur pour les enfants, j’imagine leur apaisement quand ils constatent des rapports sereins. À défaut d’avoir réussi à mener une vie de couple, nous ne nous débrouillons pas trop mal pour la séparation. Qui a dit que la notion de famille impliquait une cohabitation ?

La cuisine et la broderie, c’est la vie

Après le départ de Violette et de son papa, une bonne douche et Je me lance dans une pâtisserie. Après cet effort, je suis en hypo et des bananes se meurent dans la coupe à fruits. Pendant la cuisson des muffins bananes – pâte à tartiner, je me remets à la broderie à la lumière de jour. Quel plaisir d’être propre, fourbue et confortablement installée. C’est ce que j’aime dans l’effort. L’après !

Vans custom broderie

Je termine enfin la broderie de mes Vans commencée il y a un an. Après le tricot et la couture, j’avais très envie de me mettre à la broderie. Découvrir quelques comptes sur Instagram avec des réalisations plus modernes que « La petite maison dans la prairie » m’a fait sauter le pas. Comme celui de Jemma qui customise Vans ou Converse. J’avais une paire de Vans unie et tellement basique que je les portais peu. Je me suis donc lancée dans la broderie sur Vans. Quelle idée ! La toile est tellement dure qu’elle est difficile à piquer. Le concept de chaussures complique aussi la marge de manœuvre pour trouver le bon endroit pour piquer. Quand on débute en broderie, il faut apprendre à bien estimer les distances pour avoir un travail régulier et des motifs harmonieux. Mission quasi impossible sur des Vans…

Commencer et laisser de côté

J’ai la désagréable de manie de démarrer des ouvrages et de ne pas les terminer. Certains ont la zappette facile en télé. Moi, c’est en projet créatif… Après avoir réalisé l’arc-en-ciel et une fleur en m’esquintant les mains, en faisant et défaisant, j’ai laissé mes chaussures de côté pendant quelques mois. J’ai perfectionné mon piqué et mes gestes sur de la toile, des t-shirts. Bref, des supports plus souples pour un apprentissage. Puis, forte de ces expériences, j’ai repris mes tennis et j’ai terminé enfin cette customisation. Je suis ravie. Du résultat, et d’avoir terminé un projet. Et ce n’est pas fini.

Bilan du jour

Bricolage : Vans brodées, tricot du pull de Violette. Et jardin nickel, rasé, débarrassé des bambous, du lierre. Cette nudité ne me ressemble pas. Je me rassure en me disant que la nature va vite reprendre ces droits. Et que pendant ce temps, ma propriétaire a perdu une raison de râler.
Cuisine : muffins, saucisses, pommes de terre à l’eau (toujours en hypo), gariguettes des Landes.
Projet : terminer TOUS mes projets en cours pendant le confinement ! Une trousse brodée, une tête de rêne, des pochettes pour ranger les lingettes démaquillantes maison. Plus que une semaine, c’est pas gagné…

Jour 48

Dimanche 3 mai
Le soleil est toujours là. Je ne dors jamais les volets fermés. J’aime cet indicateur horaire et météo naturel. Je me lève tôt pour en profiter. Étendre la lessive au soleil quand le village dort encore. Partir en forêt avec mon poilu préféré. Avoir le reste de la matinée pour cuisiner, lire, tricoter, coudre.

Trouver sa place

J’ai connu quelques mésaventures dans la vie. Humaines, financières, professionnelles. Mais il y a au moins quelque chose que j’ai réussi – après mes enfants of course : ma migration dans les Landes. Je suis née et j’ai grandi en banlieue parisienne. Citadine de naissance, je pense que je suis campagnarde au fond de moi. J’aime la nature, c’est là que je me sens le mieux. En forêt, au bord de l’océan. Au calme et entourée par de grandes étendues naturelles. Installée depuis presque 12 ans dans les Landes, je savoure quotidiennement le bonheur d’être ici. C’est la première fois de ma vie, depuis que je vis dans ce paradis, que je suis contente de partir en vacances ET de rentrer. 12 ans que j’ai le sentiment de vivre en vacances. Que j’ai trouvé ma place. Est-il utile de préciser que cette impression est largement renforcée avec le confinement ?

Chien husky siberien foret des landes confinement

Transpirer sans bouger

Après une pause café – lecture, je reprends une trousse brodée à l’abandon depuis plusieurs mois. J’ai terminé la broderie, il reste la réalisation de la trousse. Comme je trouvais le mode d’emploi trop sommaire pour la piètre couturière que je suis, je l’avais laissé de côté pour le reprendre en compagnie de mon amie Soso, mon mentor en tricot, couture. Confinement oblige, je me motive en me répétant comme un mantra « Tu peux le faire » ! Je lis et relis la marche à suivre, je mesure, je tourne et retourne les tissus. Je me décide à couper. J’essaye d’assembler le tout dans le bon sens avant de me lancer dans la couture. Je transpire, fronce les sourcils. Joseph se lève et me sauve. Je vais préparer le brunch.

Le casse-tête de l’école

On termine ce dimanche en détente avec le retour de Violette. Demain reprise de l’école à la maison. Et peut-être dans une semaine à l’école tout court. Je n’ai pas encore pris ma décision. Un mail honnête du directeur m’apaise. Ils ne connaissent pas encore toutes les mesures à mettre en place. Ils vont y travailler la semaine prochaine et nous informerons des conditions d’accueil des enfants afin que nous puissions nous décider sur leur réintégration. J’imagine que certains parents salariés n’ont pas le choix. Le confinement s’arrête, ils doivent retourner travailler. Même s’il est plus complexe de travailler avec Violette et l’école à la maison, j’ai ce luxe. Je ne m’en priverai pas si je réalise que les pauvres enseignants et employés communaux n’ont pas les moyens d’appliquer les 60 pages de directives du ministère…

Bilan du jour

Yoga : 1. Quelle bêtise de ne pas m’y coller tous les jours. Prendre le temps pendant ce confinement. Les étirements détendent mes muscles endoloris par la mission SOS jardin de la veille.
Bricolage : J’ai abandonné mes velléités d’autonomie en couture, j’attends la fin du confinement pour profiter des conseils avisés de ma coach. Dans loisirs, il y a la notion de plaisir, pas de stress ! Reprise du tricot de Violette.
Cuisine : pain cuit en cocotte, brunch avec une omelette aux aillets et un délicieux smoothie jus d’orange frais, bananes, framboises, glace à la vanille, préparé par Joseph. + nouilles chinoises maison le soir. La cuisine, c’est la vie.

brunch dimanche confinement pain maison omelette aillets smoothie

Confinement / Jours 34 à 37 : La famille d’abord

Journal d’un isolement

Se confiner : S’enfermer, être enfermé dans un lieu (Larousse). Première semaine de confinement sans école à la maison, première grosse sortie autre que ravitaillement, première anniversaire confiné… C’est la semaine des premières fois !

Jours 34

Dimanche 19 avril

Levée tôt : blog, lecture, lessive. Plus je vieillis, plus j’aime le silence et la solitude. Je pense qu’être maman de 3 enfants a amplifié ce penchant. Les moments calmes sont rares, j’ai appris à les savourer.
Violette repart chez son papa. Je pars en balade avec le chien. Les sorties nature sont plus bucoliques le week-end. Si les promenades du poilu sont devenues essentielles à mon équilibre, celles de la semaine se font souvent au pas de course. Boulot oblige. Le week-end, je reprends le temps de flâner, d’observer la nature, les oiseaux. Le temps s’arrête. Enfin, presque. En confinement, l’autorisation est limitée à une heure…

Ralentissement

À notre retour, les garçons dorment encore. Je profite du silence et de la solitude pour préparer le brunch en cuisine. Je suis de nature assez « speed ». De manière instinctive, je marche vite, j’agis vite, je parle vite. Parce que les idées et les projets se sont toujours bousculés. Mais cette proactivité n’est-elle pas une manière de masquer mon manque de confiance ? Masquer mes angoisses ? Depuis plusieurs années, j’en ai pris conscience et j’essaye parfois de ralentir le rythme. Mes gestes, mes déplacements, mes pensées. Tranquillement donc, je prépare des pancakes, des œufs brouillés et un smoothie. En me concentrant sur chaque tâche et en ne pensant qu’à celle-ci. C’est dimanche, on se calme.

Parfois, dans ces phases de méditation douce, le silence est rompu par l’arrivée d’un garçon. Je prolonge l’instant en lui parlant lentement et doucement. Il me demande si tout va bien. S’inquiète d’une consommation éventuelle de stupéfiants. Mes explications les font rire. Se réinventer n’est pas simple. Encore moins aux yeux des autres 😉

Née vieille

L’après-midi se déroule comme j’aime les dimanches. Avec une alternance de pauses tricot, rangement, bricolage et cuisine. J’ai toujours été casanière. Même très jeune. Ce penchant s’accentue avec l’âge. Mes obligations professionnelles et associatives me poussent parfois à sortir. Si j’éprouve du plaisir dans l’instant présent, je dois me faire violence pour franchir le pas. Et malgré les bons moments passés lors d’une soirée, il m’arrive de regretter ce temps en moins de bricolage solitaire. Je pense que je suis née vieille.

lessive maison écologique et économique

Bilan du jour

Bricolage : rangement des étagères de la cuisine, tricot, lessive maison. Désormais, j’en fabrique 3 litres dans ma cocotte-minute et j’en ai pour presque trois mois. J’ai fait une mise à jour de la recette en ajoutant le coût de revient, le résultat est impressionnant. Oui j’ai du temps à perdre. C’est l’effet confinement.
Cuisine : pancakes, salade de lentilles / feta, recyclage des baguettes maison en garlic bread, un délice. Précision diététique : malgré la présence de beurre, je considère le garlic bread comme une recette healthy. Le persil plat aux vertus stimulantes, toniques et diurétiques est plus riche en vitamine C que les agrumes ou le kiwi. Ajouté à l’ail réputé pour son pouvoir antiviral et antioxydant, c’est le combo gagnant ! Et le gras, c’est la vie.

Jours 35

Lundi 20 avril
La semaine de travail reprend mais sans Violette et sans devoirs. Je me concentre, je me motive et je deviens une machine. L’après-midi, un événement inédit vient perturber notre 6ème semaine de confinement. Un rendez-vous à l’hôpital de Bayonne pour Joseph. Pris en janvier pour le traitement de ses allergies, il n’a pas été annulé. Certaines personnes de notre entourage s’inquiètent de notre présence dans un établissement de santé pendant la crise sanitaire. J’imagine que si des professionnels du corps médical maintiennent le rendez-vous, c’est qu’il est sans danger.

La sortie du mois

Pour l’occasion, je quitte mon jogging, met une chemise, me maquille. C’est la sortie du mois ! Joseph ne raisonne pas comme moi et reste en jogging. Sur la route et dans Bayonne, seulement quelques véhicules circulent. Ce calme dénote de l’effervescence habituelle de l’autoroute et de la ville. Même atmosphère à l’hôpital. Très peu de monde. Un siège sur deux est condamné dans les salles d’attente. Tous les soignants sont masqués. Ainsi que la plupart des patients. Tout se déroule sans encombre. Nous repartons avec l’ordonnance de désensibilisation et le prochain rendez-vous en octobre. La vie continue. Je me demande comment nous vivrons en octobre. Joseph réalise que le rendez-vous, pendant les vacances scolaires, ne lui fera pas manquer de cours. Il imagine donc que la vie aura repris son cours.

Bilan de la journée

Boulot : intense avant et après le rendez-vous. Je retrouve le goût de travailler.
Cuisine : Saucisse de Toulousse avec pommes de terre / Brie gratinées au four pour accompagner des saucisses. Plat simple à réaliser quand on travaille et qui convient parfaitement à deux garçons en manque de viande et de gras.

Rigolade : appel visio avec ma copine Blanche. Dégoutée de ma vieille tête, je m’amuse tout en conversant à changer d’apparence avec les animations du téléphone – que je découvre pour la première fois. Exercice complètement régressif qui nous fait bien rire. C’est ce que j’aime avec Blanche. On peut froncer les sourcils en parlant très sérieusement littérature, dérives sociétales ou psychanalyse. Puis rire aux éclats et sans complexe pour des âneries. Une chouette récré. Je ne suis peut-être pas si vieille ? Pas pour tout 😉

Bricolage : tricot de la dernière manche du pull de confinement devant True Grit des frères Cohen. Je ne l’avais jamais vu. Ces réalisateurs sont décidément très forts, il arrivent à me faire aimer le genre Western !

Lecture : poursuite du Liseur du 6h27 de Jean-Paul Didierlaurent. Finalement les lectures gentilles ne sont pas pour moi. Je vais le finir et revenir à un roman plus dense ou sombre.

Jour 36

Mardi 21 avril
Il pleut. Contre toute attente, le gris de la météo n’affecte pas ma bonne humeur. Depuis le début du confinement, j’apprécie la pluie qui accentue son effet. La forêt est moins fréquentée et le voisinage plus calme.

La résistance des petits commerçants

J’écris pour le site de la radio un article sur les petits commerces et restos locaux qui se réinventent face à la crise. Pour rouvrir, fonctionner, exister, ils proposent des services adaptés aux mesures sanitaires. Je suis admirative de cette force de rebondissement. De leur capacité à dépasser la crise pour rebondir. Ils méritent décidément d’exister. J’espère que cette période que nous traversons ferons prendre conscience aux gens de l’importance de privilégier ce type de commerces de proximité face à la vente en ligne ou aux grandes chaines de magasin. Un bon sens économique – faire vivre son voisin plutôt que des actionnaires à l’autre bout du monde. Mais aussi une participation au tissu social, une reconnaissance de leur éthique de travail dans le choix des produits et l’offre de services.

Retour à l’école annoncé

Le gouvernement a exposé son plan de retour à l’école. S’il reste flou sur les modalités, je comprends que Violette en CM1 et Joseph en seconde n’y retourneront pas avant le 26 mai. Je partage le sentiment mitigé des parents entre l’envie d’un retour à une vie normale et mettre leurs enfants en danger en les laissant retourner en collectivité. Ce retour devrait être progressif par nombre limité. Les enseignants vont donc accueillir des enfants en respectant les mesures barrières tout en poursuivant l’enseignement à distance avec ceux qui restent à la maison… Ils sont vraiment mignons nos politiques. Inconscients de pas mal de réalité. Notamment qu’il est impossible de gérer une demi-classe de 15 enfants en respectant les gestes barrière. Tout en faisant l’école à distance pour les autres ! Comment dit-on déjà à l’école ? Peux mieux faire.

Bilan de la journée

Boulot : Je suis regonflée à bloc. J’ai été sollicitée pour un nouveau projet assez excitant dans le domaine de la musique avec des gens que j’apprécie et que j’admire.  Cette bonne nouvelle donne une tout autre dimension à mes journée de travail. Elle ouvre aussi des perspectives d’avenir. De réalisation future possible. D’une vie sans virus.
Cuisine : yaourts à la vanille, compote en prévision d’une tarte aux pommes. C’est au tour de Jo de préparer le repas du soir.
Tricot : manche terminée, reste à assembler les éléments pour en faire un pull.
Projet : préparer les 10 ans de Violette demain. Faire en sorte qu’elle se souvienne de manière positive de cet anniversaire en confinement.

Jour 37

Mercredi 22 avril
Boulot intense le matin et préparation de l’anniversaire de Violette l’après-midi. C’est l’avantage de l’indépendance, organiser son temps comme on le souhaite. Il y a encore quelques temps, j’aurai culpabiliser de faire autre chose que travailler. Aujourd’hui, je sais que cette adaptabilité est positive pour mon efficacité. Je m’attèle donc sans aucun scrupule à la pâte sablée de la tarte aux pommes.

Digression culinaire

Je prends la recette dans mon livre préférée de cuisine : Ripailles de Stéphane Reynaud. Il est beau mais pas dans le sens des livres de cuisine actuelle. Il est authentique avec des photos de vrais gens. Les recettes sont des basiques, des classiques de la cuisine française, ce livre est ma bible ! Stéphane Reynaud est chef du restaurant La villa 9 Trois à Montreuil. Je rêve d’y aller. On ira Marine un jour ?

ripailles livre cuisine de Stéphane Reynaud

Après la tarte, semblant de déco avec les quelques ballons trouvés, emballage des cadeaux, 2 livres achetés grâce au service confinement de la Librairie Le Vent Délire ! En même temps, je poursuis le rangement de mes étagères de cuisine et j’y trouve des pépites. Un pétillant sans alcool à la pêche, parfait pour l’anniv de ce soir, un vinaigre de riz périmé depuis… 2011 ! Et quelques bouteilles de vin. Il faudra que je me demande à mon papa si elles sont encore buvables avant de les recycler dans des bœufs bourguignon !

Joyeux anniversaire Violette !

Pour le repas d’anniv, je commande en ligne au fast food local Jack’s Burgers. Paradoxal avec mon style de vie ? Non car je ne suis pas une extrémiste. Le restaurant se distingue aussi de la plupart des établissements de restauration rapide : il cuisine de la viande française, propose des produits locaux. Et soutient de nombreuses manifestations ou activités associatives toutes l’année. Et les enfants adorent y manger ! Rien que pour le sourire de Violette à mon arrivée avec le sac Jack’s, cet écart est totalement justifié.

Penser à la célébration de ses 10 ans, il y a quelques semaines, faisait pleurer Violette. Les petites attentions, la présence de ses frères, la visio avec les grands-parents, vos messages et vos appels… Elle a finalement passé un chouette anniversaire malgré le confinement. Comme je suis de nature positive, je me dis aussi que la durée de notre isolement aura peut-être l’effet positif de ne pas permettre l’organisation d’un goûter d’anniversaire avec 10 filles aux voix aigües ! #mauvaisemère. Plus sérieusement, voilà un nouvel épisode de la vie qui me prouve que l’essentiel est d’être ensemble. Merci à vous d’être là 😉

Bilan de la journée

Anniversaire : réussi !
Péremption : le mousseux sans alcool n’était pas très bon. Peut-être parce qu’il était périmé depuis 2015…
Placards : parfaitement rangés et avec plus d’espace sans les produits périmés…

 

 

 

Confinement / jours 26, 27 & 28 : Vive la famille

Journal d’un isolement

Se confiner : S’enfermer, être enfermé dans un lieu (Larousse). Presque un mois que les enfants et moi sommes isolés du reste du monde. Comme le reste du monde. Avec des effets sur la cellule familiale plus qu’inattendus… Journal de ce confinement en famille.

Jour 26

Samedi 11 avril
Pas de boulot, de devoirs et un grand soleil ! Nous passons la journée dans le jardin ! Enfin, surtout Violette et moi, les garçons dorment…
Dans l’après-midi, Joseph s’installe aux fourneaux pour réaliser la nouvelle recette de son cours de cuisine : une charlotte aux fraises. C’est le premier effet positif et inattendu du confinement. Leur prof de cuisine leur demande de réaliser une recette par semaine. Ainsi, Joseph passe beaucoup plus de temps hors de sa chambre – et donc avec nous – qu’à l’accoutumée.

boudoirs Joseph cours de cuisine

Miracle du confinement 1 : Joseph parle

Il commence par la réalisation des biscuits à la cuillère. Le prof ne leur a pas donné de recette, ils doivent se débrouiller… J’avais déjà tenté celle de La cuisine de Bernard. C’était l’une des premières recettes postée sur ce blog. Ils étaient bons mais raplapla. On fouille ensemble sur le net et il choisit la recette de Mercotte. Je lui conseille de diviser les quantités pour ne pas se retrouver avec des centaines de biscuits. Et malgré cela, la pâte est conséquente !

Mon apprenti pâtissier galère à dresser la pâte sur la plaque de cuisson avec la poche à douille et me demande de l’aider. Voilà encore un effet positif inhabituel du confinement (et de la cuisine) : plutôt solitaire et taiseux, Joseph s’ouvre, discute, échange. Je ne relève pas ce changement. Je me contente d’en profiter.

Miracle du confinement 2 : ensemble

Quand je ne l’aide pas en cuisine, je poursuis, installée dans le jardin, ma broderie Fuck you de Brode Pute. Tandis que Violette fait des pirouettes dans le jardin ou joue avec son lapin. Le soleil brille. J’appuie sur le bouton pause pour savourer cet instant. Nous sommes ensemble, chacun à s’affairer. Tout en discutant cuisine, salto et pissenlits. C’est tellement bon.

Habituellement, le samedi, je fais le taxi pour Violette qui enchaine les activités tandis que Joseph reste dans sa chambre ou va voir un copain. Ce confinement représente une vraie pause dans nos vies trop remplies. Je sais qu’il provoque d’importantes souffrances pour de nombreuses personnes. Mais je m’autorise à savourer les effets bénéfiques qu’il peut aussi engendrer.

Miracle du confinement 3 : Yuri nous rejoint

Est-il vraiment utile de préciser que lorsque Joseph se met à jouer au ballon avec Violette et le poilu pendant la cuisson de chaque fournée de biscuits, je suis au bord des larmes ? Plusieurs fois, je manque de me prendre le ballon en pleine tête. On est tellement bien.

Je tente de prolonger cette communion familiale en proposant de louer un film après le diner. Tout le monde est partant. Y compris Yuri – qui s’est réveillé entre temps. Je trépigne de joie intérieurement. Les enfants choisissent le dernier opus de Jumanji. Avec le maïs bio acheté aux Jardins de Castelnau, je fais du pop corn sucré et caramel en suivant la recette de Papilles et Pupilles. Très facile et excellent ! On se régale. Les enfants se moquent de moi car je ne comprends pas qui est qui dans le film. Depuis le début du confinement, la situation inédite et surréaliste nous donne parfois l’impression d’être dans un mauvais rêve. Ce soir aussi à l’échelle de ma famille. Mais le rêve est doux.

Jour 27

Dimanche 12 avril
Violette est repartie chez son papa et les garçons dorment. Le repas familial de Pâques s’annonce calme. Peu importe, nous l’avons déjà célébré la veille du lancement du confinement en partageant l’agneau !

Dimanche Cocktail

Le dimanche, nous avons l’habitude de faire un brunch pour déjeuner tous ensemble à l’heure espagnole. À 13h30, je propose à Joseph de remplacer notre traditionnel smoothie maison par un cocktail qu’il doit réaliser pour son cours de service au lycée. Après la recherche d’une recette, nos échanges sur les ingrédients et leurs combinaisons, les pesées, la réalisation, la présentation et la photo pour rendre son devoir… Il est 16h ! Toujours pas de brunch mais encore un excellent moment en cuisine avec mon fils.

cocktail sans alccol made by Joseph
Sirop de grenadine, jus frais orange, pamplemousse, banane, sorbet de citron vert.

Je le découvre curieux, patient, perfectionniste. L’apprentissage de la cuisine le transforme. Et il grandit. Pour façonner leur panoplie d’adulte, les adolescents retiennent ce qu’ils veulent de notre éducation. Et ils ajoutent leur « pâte ». Parfois avec de bonnes et mauvaises surprises. Comme un nouveau miracle de la nature, cette transformation est toujours magique pour un parent. Jusque là, tout va bien.

Omelette de Pâques

On finit par ressentir la faim donc je me mets à préparer le brunch. Comme c’est Pâques, je remplace nos traditionnels œufs brouillés par une omelette à l’aillet. C’est la première fois que j’en cuisine. Je les ai acheté lors de ma commande aux Jardins de Castelnau. J’essaye d’acheter le plus local possible. Et ces légumes-tige, jeunes pousses d’ail que l’on ne laisse pas arriver à maturité en faisaient partie. Leur culture est répandue en Aquitaine.

En cherchant des recettes à réaliser, je suis une nouvelle fois tombée sur le site de Papilles et Pupilles qui proposait une omelette à l’aillet, traditionnellement réalisée pour Pâques. Parfait pour remplacer le gigot d’agneau et pour le brunch, avec les œufs également achetés aux Jardins. Et c’était délicieux. Tout comme le cocktail – sirop de grenadine, jus frais oranges, pamplemousse, banane, sorbet citron vert – de Jo en apéro !

Brunch avec homemade pain, cocktail, omelette à l'aillet

En déjeunant à 16h30, l’après-midi se termine vite. Nous vaquons à nos occupations puis nous finissons par dîner à 22h… Le manque de contact avec l’extérieur et l’absence d’enfants en bas-âge accentuent la perte de repère chronologique. C’est le week-end, rien de grave.

Jour 28

Lundi 13 avril
Jour férié, plus que bien accueilli pour prolonger le week-end. Et faire ainsi un break de boulot et de devoirs ! Je commence quand même la journée par bosser un peu. Bizarrement, je suis plus inspirée sans obligation.

Je finis par aller balader le chien en forêt qui est vraiment patient. Depuis le confinement, j’ai perdu l’habitude de le sortir après avoir déposé les enfants à l’école. Parfois c’est plus tôt. D’autres fois c’est en fin de matinée comme aujourd’hui. Il attend sagement. Lève la tête quand je bouge puis se recouche s’il voit que je ne me chausse pas. Sans trépigner ou gémir. Ce poilu est vraiment un compagnon idéal. De vie et de confinement.

L’après-midi, même tempo que le reste du week-end. Jo repart en cuisine pour fabriquer les biscuits à la cuillère de la charlotte tandis que je brode mon Fuck You. Il s’en sort mieux même si le résultat visuel n’est pas encore parfait. Le goût est là, cela ira très bien pour la charlotte, reportée à demain vu l’heure.

Score d’audience

Comme plus de 23 millions de Français, nous écoutons le président à 20h. C’est reparti pour un mois de plus. Mais avec un espoir de reprise à partir du 11 mai. Avoir une date, une échéance change tout, je trouve. Yuri sort de sa discrétion pour la première fois depuis le confinement. Il ne voit pas où elle le problème de cette prolongation. Sauver des vies le justifie. Quant aux gens qui râlent à propos de l’isolement, il remarque que ce sont les mêmes qui pestaient avant la crise parce qu’ils devaient aller bosser. Il compare leur attitude à celle de lui et son frère petit. Quand ils râlaient pour aller prendre leur bain. Et râlaient pour en sortir. Cette analogie pertinente me fait réaliser que les gens peu bavards en général ont le mérite de dire moins de bêtises quand ils se mettent à parler. 

Bilan du week-end

Ambiance Pâques : pas de chocolat dans le jardin. Prévue le dimanche matin avant le départ de Violette, la séance a été reportée ultérieurement suite à la pluie combinée aux grasses matinées des garçons. Je suis habituée à faire Noël parfois le 30 décembre. Je ne suis pas (plus) une maman traumatisée par ces décalages de festivités.

Bricolage : ménage, broderie, tricot. Et tonte de la pelouse. Big up à mon papa qui a fait sa première visio conférence pour que je lui montre ma tondeuse et qu’il trouve où y mettre de l’huile 😉 C’est aussi ça l’enseignement à distance !
Cuisine : boudoirs et cocktails de Jo ! Et parmi les plats et sucreries du week-end : yaourts à boire à la fraise, omelette à l’aillet, couscous, pop corn, pâtes à la carbo, tarte épinards chèvre, crudités (oui parfois on mange des légumes) avec salade, avocats, carottes rapées, graines. J’ai refait aussi un pain en cocotte. Et j’ai adoré recevoir vos nouvelles photos de pain. Joseph, de nature discrète, ne voyait pas l’intérêt de partager notre quotidien via le blog. Pourtant, il a aussi apprécié ces échanges. Une interactivité intergénérationnelle pendant le confinement et autour de la cuisine. Peu importe le media ou le sujet, partageons plus que jamais.

pain cuit à la cocotte

 

 

Formica, de FABCARO

Tragédie comique irrésistible

Souvent, au sein de nos magnifiques sociétés modernes et dites évoluées, nous pouvons ressentir de la colère, de l’indignation ou de la triste face à la bêtise humaine, des élites ou du commun des mortels. Dans ces cas là, on peut s’adresser à un professionnel de la psychologie pour apprendre à supporter les 95% de névrosés et 5% de psychopathes qui nous entourent. On peut lire aussi. Si vous optez pour cette solution, non remboursée par la Sécurité Sociale, je vous recommande toute l’œuvre de Fabcaro en général et son dernier titre en particulier : Formica, paru aux éditions 6 Pieds sous terre.

chronique de formica, BD de Fabcaro, éditions 6 pieds sous terre

Drame familial

Avec Formica, Une tragédie en 3 actes, vous ne vivrez plus les réunions de famille de la même manière. Dans cette BD, l’auteur dessinateur nous invite à passer le fameux traditionnel déjeuner du dimanche en compagnie d’une famille bien sous tous rapports. Mais ce moment dominical sacré, de partage et d’amour, prend une tout autre tournure lorsque les membres de cette famille se posent la question : mais de quoi va t-on bien pouvoir parler ? Et là c’est le drame. L’auteur l’annonce sur la couverture, ce livre est une tragédie. Telle une tragédie grecque, Formica nous emmène dans les tréfonds de l’âme – avec des morts, des drames et tout – sauf que c’est super drôle.

Familles dysfonctionnelles

Fabcaro a l’habitude d’être piquant sur le couple, la société de consommation et la connerie humaine en général en dessinant son absurdité à l’extrême. Il va encore plus loin dans Formica. Il a définitivement rayé l’expression politiquement correct de son processus de création et c’est hilarant. Dans cette famille par exemple, les enfants jouent au jeux des 7 familles dysfonctionnelles qui comprend la famille Boulghour et curcuma avec la mère ergothérapeute, la famille Manif pour tous avec le père qui a un pull sur les épaules ou encore la famille Chassé-croisé du 15 août dont le père est décédé. Je vous avais prévenu, c’est trash et irrésistible. J’ai eu honte de rire parfois car comme toute bonne occidentale marquée par l’héritage judéo-chrétien, je me traine encore quelques blocages. Mais j’ai ri, je suis sur la bonne voie !

Planche BD de Formica de Fabcaro éditions 6 pieds sous terre.
© Fabcaro / 6 Pieds sous terre

Dans les 3 actes de cette tragédie comique, le dessin appuie le propos – la vacuité des réunions de familles ennuyantes et hypocrites – avec un trait fin et léger, des couleurs criardes seulement pour les personnages. Comme dans une pièce de théâtre, Fabcaro construit son récit avec une unité de lieu et de temps. L’auteur le rythme en utilisant la mise en abyme. Via un chœur antique qui s’introduit dans la réunion de famille. Des scénettes d’une page sur un vol aérien low coast. Ou encore des voyageurs de métro déguisés en nourriture. C’est absurde et magnifique. Vous n’allez pas sourire en lisant Formica, vous allez rire au éclats. On tourne les pages et on secouent les épaules sans ne plus rien contrôler. C’est tellement bon.

Fabcaro fan club

Oui dans mon émission radio littéraire Délivrez-moi sur Wave Radio, j’ai chroniqué il y a peu Open bar de Fabcaro. Oui je lis et chronique toutes les BD de cet auteur. C’est objectivement justifié : il est excellent et productif ! Ce n’était pas encore le cas sur le blog, c’est réparé ! Faites-vous du bien, lisez et offrez La bredoute, -20% sur l’esprit de la foret, Et si l’amour c’était aimer, Open bar… Et évidemment Zaï Zaï Zaï Zaï, paru en 2015 et auréolé de nombreux prix : Prix du public Sud-Ouest/Quai des bulles à St-Malo, Prix RTL BD du mois, Album d’or Festival de Brignais, Mention spéciale du Président du jury du prix Landerneau 2015, Prix des Libraires de bandes dessinées 2016, Prix de l’association des critiques (ACBD) 2016, Prix SNCF du Polar 2016 !

Indispensable 6 pieds sous terre

Formica, comme de nombreuses œuvres de Fabcaro, est publié chez l’excellente maison d’édition 6 Pieds sous terre, une maison indépendante, éditeur de bandes dessinées moderne et alternatives, fondée en 1991 à Montpellier par Jean-Philippe Garçon, Jean-Christophe Lopez et Jérôme Sié. Une maison d’édition indispensable qui publie des auteurs indispensables comme Edmond Baudoin, Guillaume Bouzard, Gilles Rochier, James, Loïc Dauvillier, Manu Larcenet, Matthias Lehman, Terreur Graphique, Tanx et bien d ‘autres ! Des lectures savoureuses qui devraient être remboursées par la Sécu.

Quoique c’est un vrai plaisir de dépenser quelques euros pour de si bonnes lectures. C’est comme une thérapie, le paiement fait partie intégrante des bénéfices. Foncez sur leur site pour découvrir leur catalogue. Et foncez chez votre libraire vous procurer Formica de Fabcaro !

Formica, Une tragédie en 3 actes, de Fabcaro, 64 pages, 13 €, Éditions 6 Pieds sous terre.

Salut à toi ô mon frère

Polar fantasque de Marin Ledun

Immense coup de cœur pour le dernier roman de Marin Ledun, Salut à toi ô mon frère, paru en mai dans la collection Série Noire de Gallimard.

Dans Délivrez-moi, l’émission que je coanime sur Wave Radio, j’ai eu le plaisir de recevoir Marin Ledun, auteur prolifique de romans noirs, tous les ans pour chaque nouvelle parution. Les visages écrasés (adapté au cinéma avec Isabelle Adjani) sur la souffrance au travail, L’Homme qui a vu l’homme sur la question basque ou encore En douce, huis-clos sur fond de vengeance… Quelques titres parmi tous ces romans que j’attends fébrilement. Et que j’adore sans restriction. Emportée par le rythme et le souffle de ses fictions sociales très sombres, séduite par l’atmosphère inédite et les messages subliminaux que l’auteur distille subtilement dans son intrigue. Alors, quand l’un de mes auteurs fétiches revient en librairie quelques mois seulement après la sortie de Ils ont voulu nous civiliser avec un nouveau roman publié – en outre – chez Gallimard, dans la mythique collection Série noire, je trépigne !

Smala haute en couleurs

Et je me prends une nouvelle claque…. Littérale et littéraire. Marin Ledun avait pour habitude de nous embarquer dans des histoires dramatiques subies par des êtres en perdition. Et ce parti-pris me convenait tout à fait : tout en provoquant une réflexion sur ces questions de société, ces anti-héros avaient presque le mérite de me faire sentir normal (ou pas si névrosée). Des romans noirs qui font du bien !

Dans Salut à toi ô mon frère, il redistribue les cartes : Gus, un jeune de 17 ans, impliqué dans un vol à main armé a disparu. La police enquête. On est bien dans roman policier. Mais le jeune homme n’a pas le profil du laissé-pour-compte auquel nous avait habitué l’auteur. Cadet d’une fratrie de six enfants, il est apprécié pour sa gentillesse. Et si la famille nombreuse n’est pas la famille parfaite, ces tempéraments originaux débordent d’amour les uns pour les autres. Une smala qui n’est pas sans rappeler la famille Malaussène de Daniel Pennac.

Polar sur le racisme ordinaire

Marin Ledun change de registre avec cette tribu fantasque. L’enquête et cette drôle de famille nous sont racontés par la voix la plus raisonnable de la smala, Rose, l’aînée des filles et lectrice de grands auteurs dans un salon de coiffure. Avec elle, on s’insurge contre les préjugés qui accablent son frère adopté. On s’amuse (et parfois se désole) des frasques de sa mère, pasonaria incontrôlable, ou de la bonhomie du père. Comme dans tous ces romans, Marin Ledun nous embarque dans son histoire que l’on dévore pour en connaître l’issue. Comme dans toutes ces fictions, il sème finement des réflexions sociétales. Ici, comme l’indique le titre du roman emprunté à la chanson de Bérurier noir, le racisme ordinaire. Qui malheureusement reste d’actualité 33 ans après la sortie de la chanson…


Mais dans ce roman, il est aussi question d’éducation, du respect de l’autorité, des préjugés et de la normalisation de la société. Cette fois-ci, il nous amuse en plus ! Presque chaque page a provoqué un sourire ou un rire. Une vrai lecture plaisir. Une récréation dans ce monde de bruts. Un régal. Merci Marin Ledun.

Salut à toi ô mon frère, de Marin Ledun, 288 pages, 19 €, Gallimard.

Pour en savoir plus : interview de Marin Ledun dans Délivrez-moi en juillet 2018.

Les Garçons de l’été, de Rebecca Lighieri, Editions P.O.L

Quand la chronique de mœurs vire au thriller

Parmi les romans lus cette année, j’ai adoré Les Garçons de l’été, de Rebecca Lighieri. Paru en janvier 2017 chez les éditions P.O.L, son titre m’a incité à le faire patienter gentiment dans ma « PAL » pour faire partie de mes lectures d’été. Et suite à un – léger – retard dans mes chroniques de livres… là voilà !

Les garçons de l'été de Rebecca Lighieri aux éditions POL : Chronique

Les Garçons de l’été, ce sont Thadée et Zachée, deux jeunes et beaux garçons d’Hossegor, deux dieux du surf. Ils ont grandi dans le Sud des Landes, la « Landifornie » dans une famille au train de vie confortable. Ils ont été bichonnés et sont admirés pour leur beauté, leur assurance, leur lifestyle de surfeur. Jusqu’au jour où, lors d’un surftrip à La Réunion, Thadée est victime d’une attaque de requin et se retrouve mutilé.
La vie de rêve de cette famille bien sous tout rapport s’effondre. L’auteur Rebecca Lighieri fait basculer son roman plutôt chronique de mœurs en thriller oppressant. Et c’est magistralement réussi.

Famille riche d’Hossegor cherche… humanité

Je dois vous avouer que dès le début du roman, j’ai été agacée par les personnages. Mylène, la mère au foyer bourgeoise, si dévouée à ses enfants qu’elle devient ridicule tant son amour maternel est aveuglant. Le mari, pharmacien, de prime abord gentillet. Puis finalement médiocre au vu de son manque d’implication dans sa vie paternelle et matrimoniale qu’il comble en trompant sa femme. Et les 2 garçons. Pétris de nonchalance, immaturité, arrogance, dans leur manière d’être, de gérer les rapports humains ou d’envisager leur vie. Considérés comme des demi-dieux par leur mère, les deux frangins sont loin de me faire rêver comme progéniture… Bref, un magnifique stéréotype de la famille CSP+ d’Hossegor. Et je peux vous dire que, lorsque l’on vit près d’Hossegor, un tel portrait de famille a de quoi agacer : j’en croise assez dans le Sud des Landes pour ne pas avoir envie de lire leurs mésaventures…

Tragédie grecque

Donc j’avance dans la lecture de ce roman qui s’annonce comme un drame familial en sourcillant parfois. Et petit à petit, au fil des pages, ce livre qui sent bon les embruns, le surf et l’été me happe. Car cette chronique familiale se transforme en tragédie grecque. Je ne vous en dis pas plus pour vous laisser profiter du suspens. Mais la plongée de l’intrigue dans le noir (très noir) rend addictive la lecture. L’auteur malmène ses personnages de toutes parts. Agaçants dans les premiers chapitres, la déchéance de ces êtres médiocres finit par nous faire éprouver une certaine empathie. Ils payent cher leur arrogance ou leur lâcheté. Et cette réinterprétation moderne du mythe d’Abel et Caïn sublime férocement nos contradictions, notre égocentrisme. Elle balaye à la manière d’un ouragan nos manies insupportables d’êtres humains modernes.

Je n’ai pas été surprise à la lecture d’une interview de l’auteur dans Les Inrocks de découvrir que Rebecca Lighieri avait à l’esprit deux références cinématographiques pendant l’écriture du roman : Endless summer et Stephen King. Car on retrouve bien dans son œuvre l’insouciance et l’obsession du surfeur égoïste en quête de la vague parfaite traitées dans le film de Bruce Brown. Mais également l’angoisse suscitée par les dérapages humains propre à la littérature de l’auteur américain.

Un auteur, deux genres littéraires

Rebecca Lighieri est le pseudo de Emmanuelle Bayamack-Tam, auteur d’un dizaine de romans dont La princesse de. et de Je viens. Sous son nom d’emprunt Rebecca Lighieri, elle avait déjà publié Husbands et une nouvelle. Elle choisit son nom d’auteur selon le genre du roman. Emmanuelle Bayamack-Tam pour les histoires plus poétiques, Rebecca Lighieri pour les romans noirs. Le ton et l’écriture changent aussi. Rebecca Lighieri va droit au but et ne s’encombre pas de figure stylistique. Son style est direct, percutant. Il est là pour accompagner l’aspect essentiel du roman : le noir, l’intrigue, l’horreur.

Fiction moderne et universelle

Les Garçons de l’été se révèle donc une réussite assez étonnante : une littérature noire qui met en lumière les aspects les plus sombres de notre humanité dans un décor de rêve. Un roman qui ne s’encombre pas de fioritures pour dépeindre le côté le plus animal de l’homme, dans sa sexualité, son agressivité, l’image qu’il renvoit. Une fiction captivante qui dérange souvent mais séduit par la finesse et la justesse du propos.

Rebecca Lighieri est une visionnaire pertinente des travers de notre monde : la dislocation des liens, la disparition de l’empathie, le repli sur soi. Les monologues de ses personnages accablants résonnent comme des tragédies, sans poésie, en toute cruauté. Moderne, ce roman se trouve dans l’actualité car il aborde indirectement la « crise requins » qui agite l’île de La Réunion. Universel, il peint les dérives de l’homme contemporain de moins en moins dans l’humanité. Une histoire violente, dérangeante mais indispensable à notre survie dans ce monde de brutes occidentales !

Les Garçons de l’été, de Rebecca Lighieri, 448 pages, 19 €, Editions P.O.L
Prix littéraire de la ville d’Arcachon 2017

Noël en famille… Ou pas !

Cette année, pour la première fois de ma vie (j’ai 42 ans), je ne passerai pas Noël en famille. Enfin si. Mais pas celle que vous croyez. Je m’explique.

Un noël sans famille ?

Mes 3 enfants sont chez leurs papas (papa est au pluriel car il y en a 2… Seulement 2 :)). Et c’est très bien comme ça. Ils ont un papa, ils l’aiment. Il est normal qu’ils passent un Nöel sur deux avec lui ! Je suis un peu triste de ne pas être avec eux mais ils sont heureux d’aller chez leur père. Alors ça va.

Mes parents m’ont invité à les rejoindre pour passer le réveillon avec mon frère, ma belle-sœur et leurs enfants. Mais c’est à 5 heures de route et je ne sentais pas de faire le trajet aller-retour toute seule (oui je sais il y a blablacar mais par seule je veux dire sans compagnie connue). Je crois que même si je me réjouis que mes enfants profitent de ces fêtes avec leur papa et donc pas avec moi, j’angoissais quand même de ressentir une légère amertume en passant ce moment avec mes neveux et nièce sans les miens… Bref je reste chez moi !

Et du coup, je me suis incrustée chez une de mes meilleures amies qui le passe avec son mari et ses deux filles. Se joignent à nous deux autres amis sans famille ce soir là pour diverses raisons logistico-familiales.

2 familles, 2 Noël

C’est donc la première fois que je passe les traditionnelles fêtes familiales de Noël… sans ma famille. Sans mes parents ou oncles et tantes, ou cousins-cousines ou… mes enfants. Dans ma famille, on est très famille. Et moi, je le suis aussi beaucoup. On s’aime, on se voit. Pas assez souvent parfois à cause de la distance. Un cousin que j’adore a dit une fois : « on ne choisit pas sa famille mais si je devais la choisir, je choisirai celle-là ! ». C’est beau et c’est ce que je ressens aussi.

Je ne ferais pas Noël avec eux. Pourtant, je ne suis pas triste car je me réjouis de cette soirée avec mes amis. Je ne suis pas triste car je retrouve mes enfants, mes parents la semaine prochaine pour fêter Noël et le jour de l’an tous ensemble ! C’est vrai, pourquoi célébrer Noël absolument le 24 décembre ? Pourquoi ne pas le faire le 24 mais aussi le 26 ou le 30 ?

On se choisit une famille

J’ai réalisé que beaucoup de personnes passent Noël sans leur famille au sens filial du terme. Cela ne va peut-être pas les empêcher de passer une bonne soirée. J’ai réfléchi que j’avais deux familles.
La famille de sang, que je n’ai pas choisie, que j’adore et que j’ai toujours plaisir à retrouver.
La famille d’amour, celle que j’ai choisi, mes ami(e)s. Celle que j’adore autant, que j’ai plaisir à retrouver, celle en qui je peux toujours compter. Les situations familiales et filiales évoluent avec le temps, les séparations, les configurations professionnelles… Il n’y a plus un modèle. Il y en a autant que nos envies et nos sentiments !

Bref, je suis plutôt gâtée par la vie. Alors même si je ne suis pas avec eux ce soir, je pense fort à eux. Et je pense aux autres, à vous. J’espère que vous êtes aimés autant que moi. Par votre famille et/ou vos amis. J’espère que ce soir ou les autres jours, vous serez toujours entourés de quelqu’un qui vous aime.

Je ne suis pas triste mais je réfléchis peut-être un peu trop… Je vous laisse, je vais me faire belle pour mes amis ! Joyeux Noël 🙂

 

Aquarium, de David Vann : roman singulièrement brillant

La lumière au bout de l’aquarium

Aquarium, le cinquième roman de David Vann détonne dans l’œuvre de l’auteur américain par sa luminosité. Une merveilleuse LECTURE !

J’ai lu tous les romans de David Vann. Et à chaque fois, la publication d’un nouveau me procure toujours un mélange d’excitation de lecture et de crainte d’être déçu par un auteur que je vénère. Ouf, ce n’est toujours pas le cas avec Aquarium, son cinquième titre traduit en France.

 

Aquarium, c’est l’histoire de Caitlin, 12 ans, qui vit avec sa mère dans une banlieue de Seattle. Cette mère célibataire fait comme elle peut pour joindre les deux bouts et concilier travail, maternité et parfois vie de femme. Elle travaille tard et sa fille l’attend tous les soirs à l’aquarium où elle passe des heures pour assouvir sa passion pour le monde marin et les poissons. Le roman contient d’ailleurs des illustrations de poissons et autres espèces marines. Des dessins de l’auteur lui-même j’imagine, je n’ai trouvé aucun crédit.

 

Elle y rencontre un jour un vieil homme. Et d’échanges aquariophiles en échanges philosophiques au quotidien, une amitié nait entre eux. Tout va bien dans leur modeste existence jusqu’au jour où… Comme tous les romans de l’américain David Vann, Aquarium fonctionne avec une bonne dose de suspense. Je vais donc arrêter là le déroulé de l’histoire !

 

Peinture des gens ordinaires

Mais parler du dernier roman de david vann en le cantonnant à Seattle et ses pluies incessantes, à la vie difficile de cette mère et de sa fille ou à ce vieillard baignant dans la solitude, ça ferait de ce roman, une peinture un peu glauque de petites gens. Et Aquarium, c’est tout sauf ça !

 

David Vann se révèle une fois encore une fois un incroyable peintre des gens ordinaires. Caitlin et sa mère sont seules à se débrouiller, sans argent. Pourtant, leur relation et leurs personnages rayonnent. La mère d’abord : David Vann nous dépeint une femme qui fait ce qui peut mais qui peut beaucoup. Elle pourrait apparaitre froide dans ces méthodes éducatives mais des scènes de leur vie nous démontrent subtilement son affection, une intimité, une proximité qui permet à sa fille de grandir en toute confiance.

 

La fille ensuite. Caitlin, 12 ans. Sans cercle d’amis. Et qui ne parle jamais de son apparence ou de celle des autres. Une pré ado pas comme les autres qui se passionne pour les poissons et les océans. Une gamine différente donc mais tellement passionnante. D’abord, elle n’a pas l’air de souffrir de sa différence. Surtout, elle puise dans sa passion toutes les ressources pour supporter les méandres et difficultés de l’existence. Exactement ce qu’ils manquent à tant de personnes…

 

David Vann dépeint leur existence à priori médiocre d’une manière si subtile que l’on y décèle les petites perles qui ne résument pas ces personnages à ce qu’ils semblent être. Sans jamais nous le dire, David Vann nous raconte l’histoire ordinaire d’êtres extraordinaires ! Y compris dans leurs incohérences, leurs faiblesses, leur humanité.

 

David Vann trouve la lumière

La finesse psychologique de l’auteur, c’est aussi sa capacité à se mettre dans la tête d’une gamine de 12 ans. Car c’est rarement réussi en littérature : faire parler une pré ado sonne souvent faux ou se révèle parfois pénible à la lecture.

 

David Vann ne tombe pas dans cet écueil et l’éclairage qu’il apporte est incroyable. Quand la mère apprend la relation entre sa fille et le vieil homme, elle perd son sang froid. L’écrivain décrit l’interprétation et les angoisses de la petite fille face à ses crises, un juste ressenti. Bref dans le dernier roman de David Vann, Aquarium, on n’apprend à voir le beau quand il n’est pas immédiatement décelable et on redécouvre le concept de singularité de l’être humain.

 

Enfin, ces tranches de vie critiques et ses faiblesses humaines, David Vann les transforme en conte de fées. Pour la première fois depuis que je lis ses romans, j’ai ressenti une vaste lumière. Aquarium est son 5ème roman traduit en Français et c’est le plus optimiste. Dans son premier Sukkwan Island, Prix Médicis étranger 2010, la relation père-fils tournait au cauchemar sans une once d’espoir possible. Cette fatalité se retrouve aussi dans ses titres suivants comme Désolation ou Impur. Malgré leur noirceur, j’ai adoré ces romans : haletants du début à la fin, ils me procuraient une sorte d’apaisement. Mes propres névroses, incohérences semblaient si pâles face à ces anti-héros torturés ou bourreaux.

 

Si David Vann trouve la lumière à la noirceur de l’existence dans Aquarium, je n’en ai pas moins apprécié son livre. L’auteur admet avec cette histoire de famille que le passé peut ne pas être déterminant dans une existence. Que les blessures peuvent se guérir. Parfois. Peut-être le signe que l’américain a guéri les siennes ?

 

Un fabuleux roman écrit dans une langue brillante et simple à la fois. Que l’on doit aux Editions Gallmeister, éditeur découvreur de David Vann en France.

 

A NOTER : David Vann sera présent du 31 mars au 2 avril 2017 au festival Quai du Polar de Lyon.

Aquarium, David Vann, Collection Nature Writing, Editions Gallmeister, 280 pages, 23 €.