Petite philosophie de la marche humide

Élaborée selon les principes de vie du poilu

Tous les jours je me promène en pleine nature avec le poilu. Forêt ou plage, quel que soit le temps, nous partons en vadrouille nous dégourdir les pattes. Si le plaisir est indéniable lorsque notre escapade se déroule sous un ciel bleu ensoleillé, il apparait moins évident par jour de pluie. Or, cet automne-hiver, le nombre de jours de pluie a été assez conséquent dans les Landes. J’ai donc fini par développer une « petite » (soyons modeste) philosophie de la marche humide. Réflexion critique élaborée en m’inspirant des principes de vie du poilu.

Petite philosophie de la marche humide élaborée selon les principes de vie du chien
La pluie ? Quelle pluie ?

Où est le plaisir ?

Parfois, je me réjouis de cette promenade sous la pluie. Je m’imagine comme une aventurière ou une maîtresse de chien exemplaire. Je chausse ma parka et mes bottes et en avant pour l’aventure ! Mais ça c’est parfois… La plupart du temps, je regarde la pluie tomber par la fenêtre, puis le chien qui trépigne, puis je soupire devant la mission qui m’attend…

Pourtant, à chaque marche humide, j’ai éprouvé du plaisir. D’abord, parce que le poilu me transmet son plaisir. Il bondit de joie, s’éclate dans les flaques, dans les fougères, renifle, court, va chercher les bâtons et les pommes de pin que je lui jette. Comme s’il ne s’était même pas rendu compte qu’il pleuvait. La météo pour lui est un détail. L’essentiel est de se dépenser, découvrir, respirer. Et le voir en profiter me rend heureuse. Même sous la pluie. L’autre source de plaisir de la marche sous une pluie battante, c’est profiter des bienfaits de la marche tout simplement. Travail des muscles et du cœur, exercice méditatif, aération pulmonaire et spirituelle. Les bénéfices sont démontrés depuis des années dans de nombreuses études scientifiques. Je l’expérimente tous les jours. Cette routine est devenue indispensable à mon bien-être.

 » À quoi bon emprunter sans cesse le même vieux sentier ? Vous devez tracer des sentiers vers l’inconnu. Si je ne suis pas moi, qui le sera ? La marche est une lecture du lieu qui prélude à la compréhension inépuisable de Soi. « 

Henry David Thoreau – De la marche (1862)

Le poilu, source d’inspiration

Pour continuer à prendre du plaisir sous la pluie mais en m’épargnant les soupirs a priori, j’ai observé le poilu. Puis j’ai réfléchi et développé une « petite » philosophie de la marche humide. Premièrement – et contrairement à une promenade estivale -, je n’ai jamais trop chaud lors d’une marche pluvieuse. Je suis frileuse donc je me couvre bien. Et l’action me réchauffe. Je n’ai ni trop chaud ni trop froid. Mieux encore, l’ambiance extérieure fraîche et humide me fait prendre conscience de ma température intérieure bien confortable. Après quelques minutes de marche, je savoure la fraicheur extérieure qui tempère ma température corporelle en hausse. Comme le poilu, protégé par ses poils et bien plus à l’aise en hiver qu’en été. L’assimilation s’arrête là, je ne vais pas m’abreuver et me tremper dans les flaques.

Les bottes accessoires indispensables de la marche humide.
Les jours de pluie, inutile de perdre du temps à choisir quelle paire de chaussures enfiler. Une logistique simplifiée.

La solitude de la marche

La pluie présente l’autre avantage d’effrayer les promeneurs du dimanche. Avec le poilu, il faut l’avouer, nous préférons ne pas trop partager la nature. Lorsque l’on rencontre humains et chiens, nous ne manquons pas de saluer nos congénères évidemment. Parfois même, échangeons avec plaisir des réflexions canines ou météorologiques. Mais notre escapade en pleine nature prend toute sa dimension en pleine solitude, sans interférences du monde extérieur. Et il est indéniable que les jours de pluie sont les plus solitaires. Nous savons l’apprécier.

La pluie, musique méditative

Marcher tous les jours dans la nature représente une pause dans ma vie professionnelle et personnelle très dense. Pourtant, j’ai constaté que par beau temps, j’ai tendance à ne pas me concentrer sur le présent et perdre ainsi les bienfaits de la promenade. Mes pas suivent mécaniquement le sentier et j’oublie d’admirer l’environnement car mon cerveau est préoccupé par la liste des missions de la journée… Ce genre de choses ne peut pas arriver pendant les balades humides.

Mon esprit est monopolisé par les gouttes qui coulent sur mes lunettes et perturbent ma vue. Je reste concentrée sur le sol pour ne pas glisser ou marcher dans une flaque trop profonde. Lorsque le sentier est complètement inondé, je dois dévier mon chemin. Puis éviter les ronces ou les racines. Isolée du bruit par ma capuche, je dois penser à me retourner ou regarder loin pour voir si le poilu suit. Et ajuster ma cadence à la sienne. Cet ancrage dans le présent développe mes sens. Je sens les odeurs d’humus révélées par la pluie. L’air frais sur mes joues. Le bruit des gouttes sur ma capuche. Quand il pleut, je suis dans la nature sous la pluie et seulement ça. Ces balades représentent une vraie pause, une évasion totale. Elles sont donc bienfaitrices, réparatrices.

La forêt des Landes tranquille et apaisante les jours de pluie.

Happy End

Je mets aussi en pratique la théorie de la relativité. Je marche sous la pluie certes. Mais j’ai la chance de pouvoir marcher tous les jours en pleine nature ! Cerise sur le gâteau : lorsque je rentre, je me sèche, je me prépare une boisson chaude. Je prends conscience du plaisir d’être à l’abri, installée confortablement au chaud. Beaucoup plus que si je n’étais pas sortie. Cette constatation rejoint ma réflexion sur le plaisir de la frustration. Comment savourer la chaleur d’un cocon si vous ne vous en échapper jamais ? En regardant le chien ronfler sur le canapé au coin du feu, je réalise que je dois tout simplement faire comme lui. Me poser moins de questions. Ne pas avoir trop d’attentes. Profiter de la nature tous les jours. Et ne pas laisser des détails météorologiques diminuer mon plaisir ou mes envies. Vivre vraiment au rythme de la nature. Et avec elle, dans sa globalité. Adopter définitivement la « petite » philosophie de la marche humide.

Le repos bien mérité du poilu après une marche humide.

Plutôt Couler en beauté que flotter sans grâce

Réflexions sur l’effondrement, de Corinne Morel Darleux

Il n’est pas sublime ce titre de livre ? Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce. Dès que mon amie Claire l’a prononcé, j’ai eu envie de le lire. Et quand elle m’a précisé le contenu de cet essai, les réflexions de Corinne Morel Darleux sur l’effondrement de notre super société, j’ai foncé, il y a quelques semaines chez la librairie Le vent Délire. Je pensais devoir le commander car il a été publié aux éditions Libertalia en juin 2019. C’était sans compter sur l’incroyable sélection de ma libraire préférée : elle l’avait en rayon ! J’ai donc pu me plonger instantanément dans ce recueil au titre métaphorique et poétique. Dont le sujet titillait ma sensibilité, mes humeurs.

chronique de Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce

Plutôt couleur en beauté que flotter sans grâce est un essai de la militante écosocialiste rédigé à la première personne. Corinne Morel Darleux livre ses réflexions pragmatiques et poétiques quant aux solutions pour limiter l’effondrement inévitable de notre société de consommation capitaliste. Et pour repenser notre quotidien, notre éthique afin de préserver notre humanité, au sens environnemental et sociétal, Corinne Morel Darleux s’appuie des maitres spirituels, comme l’écrivain Romain Gary ou plus étonnant le navigateur Bernard Moitessier.

Un guide

Sa réflexion et cet essai partent de la lecture de La longue route, le récit autobiographique du périple du navigateur pendant la première course autour du monde en solitaire du Golden Globe, en 1968. Alors qu’il était sur le point de réaliser un exploit, de remporter la course, le navigateur a choisi de ne pas rentrer, de ne pas gagner cette course.

J’avais envie d’aller là ou les choses plus simples. (…) Je n’en peux plus des faux dieux de l’Occident toujours à l’affut comme des araignées, qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le monde moderne, c’est lui le monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes. »

La longue route, Bernard Moitessier

Plus qu’une fuite ou un coup de tête, la décision murement réfléchie de Bernard Moitessier se caractérise par le refus de parvenir. Avec ce livre, La longue route, Corinne Moral Darleux trouve un guide, une figure qui ne peut plus la décevoir. Et sa philosophie, refuser de parvenir devient le point de départ son l’essai.

Le refus de parvenir

Qu’est ce que le refus de parvenir ? L’auteur nous rappelle que ce concept jusque là développé dans les milieux anarchistes et libertaires avait avant tout une portée égalitaire et collective. Qui signifiait rester à sa place pour poursuivre la lutte. Mais ce refus représente également un affranchissement individuel via le dépouillement, une émancipation de la tutelle ou de l’autorité.

Et aujourd’hui, l’auteur propose d’envisager le refus de parvenir pour cesser de nuire, transformer les différences individuelles en force collective. Pour développer son propos passionnant, l’auteur ne cesse de le rapprocher de la philosophie du navigateur, légende malgré lui. Elle distingue le héros de la victime en expliquant le concept d’intention, la nuance entre choisir de vivre dans le dénuement et le subir. Loin d’être un essai rédigé par une partisane de la gauche caviar, Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, ne laisse pas de côté les plus démunis, victimes malgré elle de notre système.

L’auteur croit au progrès social qui offre la possibilité de choisir plus qu’à l’égalité des chances qui pour elle représente une fable. Cette liberté de choisir dépend des conditions matérielles évidemment mais également de l’éducation. Le refus de parvenir ne devient possible que si chaque personne a la capacité de s’interroger. Il n’implique pas forcément la rébellion ou l’action mais au moins d’être en mesure de se poser la question, de savoir que le choix est possible.

Reprendre sa vie en main

Écrit et publié il y a quelques mois, cet essai prend encore plus résonance aujourd’hui… Invitation à réfléchir et choisir. Se détacher de la nouveauté à tout prix, des réseaux. Reprendre le temps de la réflexion, de la contemplation et non de l’émotion instantanée ou de réaction impulsive. Ce recul, cette réflexion permet de reprendre sa vie en main : ne plus suivre le chemin tracé par notre éducation, notre société et le subir, être malheureux. L’auteur invite chacun de nous à analyser ce qui nous fait ruminer, râler, ce qui nous fatigue, ce qui nous rend malade afin de trouver des solutions et agir.

Changer sa perception

Corinne Morel Darleux ne nous enjoint pas à entrer en révolution, tout quitter ou tout foutre en l’air. Elle présente sa réflexion personnelle et stimule ainsi notre perception de l’existence au sens large et du quotidien en particulier. Comme changer certains aspects de sa vie, envisager les choses autrement. L’auteur nous rappelle l’importance de la perception, celle de reprendre la main pour se sentir bien et ressentir de la joie. La capacité de réflexion c’est l’analyse mais également la capacité d’imagination. Et pour contrer cette machine à broyer l’imagination qu’est notre système, elle cite avec pertinence – dans l’absolu et encore plus aujourd’hui – Françoise héritier.

Il y a une forme de légèreté et de grâce dans le simple fait d’exister, au-delà des préoccupations, au-delà des sentiments forts, au-delà des engagements, et c’est de cela que j’ai voulu rendre compte. De ce petit plus qui nous est donné à tous : le sel de la vie. »

Le sel de la vie, Françoise Héritier.

Le déterminisme social et culturel n’exonère pas de son libre arbitre, il ne doit pas empêcher de réinvestir sa souveraineté, passer de la soumission à l’action. Dans les 100 pages de cet essai, Corinne Morel Darleux – à l’image du titre – n’hésite pas à utiliser des métaphores poétiques pour imager son propos.

Le refus de parvenir c’est comme faire quelques pas de côté. »

Chacun peut faire son pas

Et chaque pas de côté de chaque individu a la capacité de bouleverser notre modèle voué à l’échec, aura une incidence sur la réalité de l’effondrement. Plutôt que de son fondre dans une seule pensée, un dogme unique comme elle l’a fait elle même pendant son investissement politique, l’auteur croit désormais à l’archipellisation. Plutôt que d’attendre que le système des partis, des mouvements politiques fonctionnent – alors que cela n’a jamais été le cas – elle propose à chacun de résister et ainsi de multiplier les blocs de résistance. Encore une idée intéressante et passionnante. Car réaliste et non culpabilisante, respectueuse de chacun. Et qui replace l’individu au cœur du fonctionnement du collectif !

Retrouver un éthique

L’horizon c’est l’effondrement ? Pour que cette idée ne plombe pas notre présent, il s’agit de retrouver du sens dans l’existence malgré cette perspective. Et pour cela Corinne morel Darleux propose une éthique la dignité du présent, une éthique de résistance et de décroissance. C’est comme l’appelle l’auteur si joliment une « boussole éthique ». Pour trouver le juste chemin, celui qui vous fait du bien sans nuire aux autres, une sorte d’optimisme éclairé, bienveillant et respectueux.
Ce livre ne fait que 100 pages mais je pourrai vous en parler des pages tant cette lecture a raisonné en moi. Il y a quelques mois à la première lecture. Et encore plus aujourd’hui dans notre contexte…

Une élue qui réfléchit

Merci infiniment pour ces réflexions Corinne Morel Darleux. Militante écosocialiste et chroniqueuse régulière pour Reporterre, elle a été l’une de cofondatrices du Parti de Gauche, dont elle a été Secrétaire nationale en charge de l’écologie puis du développement de l’écosocialisme à l’international avant d’en quitter la direction en novembre 2018. Elle est également élue, Conseillère régionale en Auvergne Rhône Alpes. Ils ont de la chance d’avoir une telle élue dans cette belle région ! Depuis 10 ans elle a tenu un blog puis a eu envie de changement en 2019. Elle écrit donc ses billets désormais sur Revoir les lucioles. Encore une lecture saine pendant la crise sanitaire pour ne pas perdre son esprit critique !

Plutôt couleur en beauté que flotter sans grâce 4ème de couverture

Libertalia, pirates de l’édition

Cet essai Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce est publié aux éditions Libertalia. Maison d’édition indépendante qui existe sous forme associative depuis 12 ans et placée sous le drapeau des pirates. Car elle tient son nom de la république égalitaire fondée au nord de Madagascar fin 17ème par un bourgeois passé pirate et un prêtre défroqué aux idées révolutionnaires ! Un nom symbolique qui désigne une maison prompte à publier des livres différents et intelligents. Quitte à prendre le risque « d’armer nos esprits afin de nous aider à vivre dans un monde plus libertaire et plus égalitaire. » Littérature classique et contemporaine, essais qui bousculent les idées préconçus et les esprits étriqués. Profitez du confinement pour découvrir ce catalogue, l’éditeur offre actuellement des versions numériques de certains de ses titres.
Cet essai remarquable, court et riche à la fois, loin de nous assommer quant à l’effondrement, ouvre des portes. Des fenêtres pour laisser passer la lumière. Pour mieux vivre aujourd’hui et demain. Ce guide philosophique et humaniste vaut la modique somme de 10 € en version papier. Et 5,49 € en version ePub. Ce serait dommage de se priver.

Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, Réflexions sur l’effondrement, de Corinne Morel Darleux, Éditions Libertalia, 104 pages, 10 € (5,49 € en numérique).

La vie, c’est comme un tricot

Je viens de terminer un tricot. Un pull d’été en coton achevé à l’automne… Nouvel ouvrage qui confirme que je tricote comme j’avance dans la vie. Avec fougue et à tâtons. Toujours en léger décalage. Et sans vraiment suivre le mode d’emploi…

Pull en coton d'été fini à l'automne, en progrès !

Ce pull n’était pas prémédité. J’ai craqué pour le coton couleur menthe à l’eau en passant devant la vitrine d’une boutique Phildar pendant les soldes de juillet. Le phil Madrague 100% coton coloris Lagon. À cet instant de séduction s’est ajouté le choix instantané d’un modèle dans la boutique : il fallait trouver un piste d’exploitation pour légitimer mon achat impulsif. Sauf que ce n’était pas le moment. J’étais pressée, en route pour un rendez-vous. J’ai donc laissé la vendeuse choisir pour moi un modèle simple pour mon niveau et associer une autre couleur au vert menthe à l’eau.

Le tricot, reflet de la vie

Le soir même, j’ai mis de côté le pull en cours pour m’atteler à ce nouvel ouvrage. J’ai toujours eu une « légère » tendance boulimique. Un rapport pathologique à la nourriture qui se décline dans d’autres aspects de la vie. Selon les périodes, les envies, le travail, la lecture, les achats, le tricot… Cette fois encore, j’ai abandonné la lecture, l’écriture pour le tricot du pull en coton. Sauf qu’à la moitié du dos, la première pièce de l’ouvrage, j’ai réalisé que je n’aimais pas les pulls en coton, ni le point jersey envers. Tout comme l’association du gris avec le vert menthe à l’eau… Consciente et agacée par ma manie de m’engager en courant pour finalement faire demi-tour, je me suis imposée l’obligation de le finir. Fin août, j’ai fini le dos puis je l’ai mis de côté. Pour revenir à un tricot de saison. Encore un ouvrage inachevé…

Tricoter, c’est choisir

Le printemps suivant, ce pull en coton est réapparu dans mes pensées. Enfin, plutôt l’acte d’achat déraisonnable de la matière. Et le choix du modèle tout aussi irréfléchi. La culpabilité m’a fait ressortir l’ouvrage. J’ai pris la décision de le retourner pour tricoter sur l’endroit.
[ Aparté : quelle est l’idée du jersey sur l’envers ? Porter un pull à l’envers ? Dans le Larousse, l’endroit désigne le  » Beau côté d’une étoffe, d’un vêtement, d’un objet à deux faces, celui qui a été fait pour être montré. » Pourquoi donc afficher l’envers ? J’aime certaines excentricités vestimentaires mais j’avoue que je ne suis pas convaincue par celle-ci. ]

Modèle du pull en coton Phildar, catalogue Printemps Été 2018.
Le modèle, tricoté sur l’envers…
Issu du catalogue Printemps-Éte 2018 N°685

Vivre c’est choisir. J’ai donc choisi l’endroit. Je n’étais toujours pas convaincue par l’association du gris et du vert. Et encore moins des rayures. Je n’ai jamais été fan des marinières. Pourquoi donc me lancer dans la confection d’un pull rayé ? Mais j’ai mis ce jugement de côté. Je me suis focalisée sur l’avancée de l’ouvrage. Une fois le dos et le devant terminés, j’ai réalisé qu’il allait me manquer des pelotes grises pour avoir des manches rayées identiques. Impossible d’en acheter d’autres car les pelotes soldées l’an dernier n’étaient évidemment plus disponibles. J’ai fait le choix de tricoter les manches dépareillées, en « freestyle » de rayures. Et miracle, cette décision a déclenché l’envie. Ce pull allait enfin me ressembler ! Et je l’ai achevé en septembre. Une fois terminé, je l’ai passé et je l’aime bien finalement. Ouf, un pull fait à la main et terminé que je vais mettre !

Pull en coton Madrague de chez Phildar.
Le mien, à l’endroit, avec ses rayures asymétriques !

Tricoter pour donner du sens

Je tricote depuis toujours. C’est ma maman qui m’a appris. Après une pause pendant mon grand saut dans la vie d’adulte, j’ai repris le tricot lorsque j’étais enceinte de mon premier enfant. Il a 18 ans aujourd’hui et je n’ai plus jamais arrêté. De tricoter pour mes enfants, les autres ou pour moi. Le tricot représente l’activité zen par excellence qui me permet d’atteindre le « flow ». Ce fameux état mental – à la mode aujourd’hui – que l’on atteint lorsque l’on est concentré sur une tâche au point de tout oublier. Un engagement total qui procure beaucoup de satisfaction dans l’accomplissement. Réaliser une activité manuelle participe à ce plaisir : fabriquer, accomplir une tâche utile donne du sens là où la vie moderne en manque parfois.

Je tricote donc je suis

Ultra sensible, le tricot représente un prolongement de mon état d’esprit. Je ne peux pas tricoter lorsque je me sens trop mal. Je tricote comme j’avance dans la vie. Sans modération. Sans réfléchir. Et sans trop suivre le mode d’emploi. Je tricote à peu près. Des pulls trop petits ou trop grands. Et parfois des modèles parfaits.
Je tricote pour les gens que j’aime, je leur donne un bout de moi. J’avais commencé par exemple un pull pour un amoureux. À chaque conflit, tension, j’arrêtais de tricoter ce pull. Pendant les périodes apaisées, je le reprenais. Ce tricot est l’image de notre vie de couple pendant 8 ans… Après notre séparation, le pull est resté inachevé dans mon panier. Puis je l’ai repris et enfin terminé. Pour moi ! Porter ce pull d’homme représente une étape symbolique : celle où j’ai commencé à faire des choses pour moi. Celle où j’ai réussi à surmonter le passé pour me concentrer sur le présent. La vie, c’est comme un tricot. Et le tricot, c’est la vie !