Confinement / jours 49 à 52 : comme sur des rails

Journal d’un isolement

Se confiner : S’enfermer, être enfermé dans un lieu (Larousse). Cette 8ème semaine de confinement confirme que l’Homme s’adapte à tout. Entre télé-travail, école à la maison et vie de famille, on gère désormais notre rythme parfaitement. À tel point que l’échéance du lundi 11 mai ne changera pas grand chose pour nous. On reste sur ce modèle jusqu’à nouvel ordre.

Jour 49

Lundi 4 mai
La météo est estivale. C’est pourtant la reprise de l’école à la maison. Violette décide de réaliser tout son travail dans la matinée pour être tranquille ensuite. J’ai du travail, je la laisse en autonomie. Un mail de la maîtresse le soir nous précise que pour cette fois le vite-fait n’était pas bien fait. Elle a joué, elle a perdu…

Du côté de Joseph, c’est plus calme. Une classe virtuelle est programmée pour mercredi matin. Je le prépare psychologiquement en lui demandant de mettre ses cours au propre et de les classer. Comme d’habitude, il me répond « ok ». C’est un ado qui ne refuse jamais rien, qui ne s’oppose pas. Cela viendra peut-être un jour. En attendant, je savoure.

La tristitude

Côté travail, je m’active avec la reprise imminente. Pourtant, je me sens aussi seule qu’au début du confinement. Mes interlocuteurs ne répondent pas au téléphone, ni aux mails… Au début de l’isolement, ils n’avaient pas la tête au travail. J’imagine aujourd’hui qu’ils s’affairent à la reprise de leur activité. Je développe alors des talents d’humoriste, psychologue, conseillère en communication pour attirer leur attention sans les déranger. Je me sens quand même un peu seule et triste. Puis je souris en pensant à la chanson La tristitude de Oldelaf.

 

Bilan du jour

Travail : allez !
École : échec de la reprise en autonomie.
Cuisine : Focaccia au chorizo, salade de crudités.
Bricolage : tricot du pull de Violette le soir devant un film avec les enfants, La grande Muraille avec Matt Damon. Un film d’aventures historique et fantastique qui me fait sursauter à chaque attaque de monstres. Réaction qui agace prodigieusement mon fils. J’apprends à sursauter intérieurement.

Jour 50

Mardi 5 mai
Lors de la balade matinale, nous ne rencontrons pas âmes qui vivent avec le poilu dans la forêt. Aucun chien ou jogger ne croisent notre route et c’est la première fois depuis le début du confinement. Les gens s’essoufflent ? Ont repris le travail ? On ne se tracasse pas trop avec cette analyse sociologique et profitons du calme des grands espaces. De la beauté des nouvelles fougères qui verdissent les sous-bois. Du chant des oiseaux de plus en plus présents au fil des semaines de confinement. La nature aura repris quelques droits. C’est déjà ça.

confinement : la foret des landes retrouve son calme, le chien est ravi

L’été mais sans la plage

La journée s’organise entre les devoirs, mon travail, la restauration de tout mon petit monde. Le tout sous une chaleur digne du mois de juillet. On ressort les vêtements d’été, les tongs. Mais sans pouvoir aller à la plage… Et sans la perspective de bientôt y retourner puisque le gouvernement n’a pas autorisé leur réouverture le 11 mai à la fin du confinement. Des politiques se mobilisent pour la possibilité d’une plage dynamique. J’écris un article à ce sujet afin de préciser les enjeux loin d’être superficiels. Et je croise les doigts pour que l’amendement passe.

Sortie de confinement

À défaut de pouvoir aller à la plage, je fais deux pauses de ménagère dans ma journée de boulot. Un ravitaillement au supermarché pour tous les produits que je ne trouve pas chez les petits commerçants. Et une sortie aux containers de tri avec Yuri ! Interdits d’accès depuis le début du confinement, ils ont été remplacés par notre cabane de jardin. Qui déborde au bout de 7 semaines !

Suite à leur réouverture hier, nous nous motivons avec mon fils pour cette sortie palpitante. Avant de partir, nous hésitons à choisir le motif de sortie sur notre attestation… Ce n’est pas un déplacement pro, ni pour effectuer des achats de première nécessité. Il ne s’agit pas non plus de soins ou de motif familial. On hésite à prendre le chien pour pouvoir cocher la case déplacements brefs pour les poilus. Mais la voiture est pleine, il ne rentre pas dedans. Ce casse-tête superficiel et ubuesque me fait penser à Ubu roi d’Alfred Jarry. Je le note sur ma liste de relecture.

Bilan du jour

Boulot : la tristitude.
École : vite-fait et bien fait !
Recyclage : presque ! Marque de l’alcoolisme de la population, les containers de verre étaient plein. Signe du rangement des placards pendant le confinement, idem pour les bacs de vêtement. Nous rentrons donc avec notre verre et sacs de vêtements…
Cuisine : riz au safran et œufs, mi-espagnol, mi-marocain, les enfants adorent.
La bonne nouvelle : à défaut de reprendre l’école le 12 mai, Violette pourrait reprendre les cours d’équitation la semaine prochaine.

Jour 51

Mercredi 6 mai
La journée démarre par un événement inhabituel. Tôt ce matin, je bois mon café en compagnie de Joseph, levé pour sa classe virtuelle. Notre tête-à-tête garde sa nature silencieuse habituelle : il n’est pas un bavard et encore moins avant 8h !

Quand je lui demande en fin de matinée si tout s’est bien passé, il m’informe que la classe virtuelle n’était pas à 8h30 mais 9h30. Son décalage horaire me fait sourire. Depuis toujours, il vit décalé. In utero, le corps médical s’inquiétait de son poids et sa taille. Finalement, il n’a jamais utilisé la couveuse : il pesait 3,6 kg et mesurait 51 cm. Les médecins et sage-femmes n’ont rien compris… Il a marché tard – selon les normes – et sans passer par le stade 4 pattes. Il a parlé tard mais directement avec sujet, verbe et compléments. J’en ai cassé un verre en entendant sa première phrase.

Une différence qui fait toute la différence

Depuis, il parle peu mais jamais pour ne rien dire. Il est lunaire donc rarement sur la même planète que nous. En primaire, certains enseignants se sont inquiétés de ses apprentissages. Au collège, ils m’ont demandé de lui faire passer des tests et souhaitaient lui faire sauter une classe. Souvent dans des livres et passionné d’histoire, il a paradoxalement choisi la filière pro en section cuisine.

Très matures, ses réflexions psychologiques, politiques, économiques me font écarquiller les yeux depuis toujours. Déconnecté de la vie réelle qu’il juge superficielle, ses aptitudes logistiques et temporelles ont parfois le don de m’agacer. Si j’ai été inquiète ou dépassée, j’ai appris à le connaître et apprécier sa différence. J’essaye de l’aider à développer les interactions sociales nécessaires. Tout en l’armant pour ne pas souffrir des jugements quant à son décalage.

Quand les enfants nous élèvent

À la naissance de Violette, nous avions rencontré un super pédiatre qui avait sur sa carte de visite cette citation de Janusz Korczak, médecin-pédiatre, éducateur, pédagogue et écrivain polonais du début du XXème siècle.

C’est épuisant de s’occuper des enfants.
Vous avez raison.
Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser.
Là, vous vous trompez. Ce n’est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d’être obligé de nous élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments.
De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre.
Pour ne pas les blesser. « 

Janusz Korczak – Quand je redeviendrai petit

C’est exactement ce que Joseph m’a appris à faire. Moi et mon fort caractère, pleine de certitudes, de raccourcis. Il m’a ouvert des fenêtres, appris à percevoir autrement des évidences , développé ma patience, mon écoute. Comme je ne suis pas parfaite, cela serait prétentieux de dire qu’il m’a rendue meilleure. Toutefois, je pense que je peux dire qu’il m’a rendue vraiment moins con.

Bilan du jour

Boulot : des gens me répondent aux mails, m’appellent… Proche de l’orgasme professionnel !
Bricolage : clôture très approximative pour freiner le longues oreilles dans sa dégustation de notre framboisier bien entamé… Chez nous, on ne clôture pas les animaux mais les végétaux. Recyclage du marche-pied des enfants pour qu’il puisse atteindre les branches du prunier.
Désespoir : ma balance de cuisine a rendu l’âme.
Cuisine : gâteau au yaourt à la vanille, idéal pour utiliser un laitage périmé et faire de la pâtisserie sans balance.
Bonheur du jour : cueillir un bouquet de pissenlits et trèfles pour le longues oreilles pendant la balade du poilu. Il a pris l’habitude et vient à notre rencontre dès notre retour.

Jour 52

Jeudi 7 mai
L’activité professionnelle semble reprendre son cours. Enfin. Et malgré le confinement. Des projets se réactivent. Avec l’incertitude de la continuité et les difficultés financières. Sans paraître légère, je prends en compte ses paramètres mais essayent de rester positive.

Je fais une pause à 11h pour me connecter en visio à une réunion d’informations organisé par le directeur d’école à propos de la reprise éventuelle. Non le 11 mai comme le claironne le gouvernement mais plutôt le 14 suite aux difficultés de mise en place par l’établissement et la mairie. En recevant 60 pages de consignes dimanche dernier, soit le 3 mai, il semblait impossible de les appliquer en une semaine…

Touche pas à mon stylo

Le directeur nous explique le mode d’organisation envisagée : l’accueil des enfants en temps scolaire seulement le matin pour laisser les enseignants poursuivre l’enseignement distanciel avec les élèves restés à la maison. Avec les effectifs réduits imposés par les mesures sanitaires et selon le nombre d’enfants à accueillir, un accueil périscolaire sera éventuellement mis en place parallèlement à ces temps scolaires. Le midi et l’après-midi sera assuré par l’équipe d’animation de la mairie.

Les enfants seront donc en petit groupe avec leur matériel d’école, leur couverts, leur verre. Ils ne pourront pas se toucher, jouer au ballon, échanger des jeux ou du matériel. Les groupes mangeront ou iront en récré à tour de rôle. Une expérience qui me semble plus traumatisante qu’autre chose pour les enfants. Des mesures sanitaires extrêmes qui me font réaliser que le risque d’épidémie reste bien présent. Et font de cette réintégration un danger pour les élèves et le personnel enseignant ou communal. Dans ces conditions et comme je peux poursuivre le télé-travail, je décide de ne pas renvoyer Violette à l’école.

Maître es école à la maison

Nous allons donc poursuivre ces journées en famille, entre enseignement, loisirs, cuisine et boulot. Je commence à trouver un équilibre entre pression, humour et discussion pour faire travailler les enfants sans leur hurler dessus. Jusque là, tout va bien ! On expérimente ainsi ce qui m’a parfois traversé l’esprit : l’école à la maison.

Je n’ai rien contre les enseignants, bien au contraire. Je suis plus dubitative à propos du système scolaire français… Et de la place de l’enfant dans ce système. Très clairement, les programmes, les emplois du temps, l’enseignement pédagogique prodigué aux apprentis enseignants n’intègrent pas les doctrines de Janusz Korczak. Contrairement à certains pays comme la Suède ou le Danemark. C’est dommage car l’école représente une part importante dans l’éducation de ces futurs adultes à se considérer et vivre ensemble… En attendant, je m’y colle. Et je pense très sérieusement à ajouter enseignement primaire et secondaire dans mes expériences professionnelles sur mon CV. Ainsi que confinement quand mes aptitudes.

Cure de phytoncides avec le chien dans la forêt des landes pour renforcer notre sysytème immunitaire

Bilan de jour

Boulot : premier jour vraiment concret depuis 8 semaines.
Bricolage : tricot du pull de Violette.
Lecture en cours : la réédition de Mermere de Hugo Verlomme, éditions Actu SF.
Cure : la forêt comme toujours au quotidien. J’ai lu dans l’éphéméride Flow du jour que « les arbres, en particulier les conifères, excrètent dans l’air des molécules appelées phytoncides qui ont un impact positif sur notre santé, notamment sur le système immunitaire ». Excellente nouvelle sachant que nous sommes en cure avec le poilu depuis plusieurs années. Si vous n’avez pas notre chance, achetez un sapin !
Déconfinement : entre télétravail et école à la maison, nous allons rester confinés en fait !
Perspective : aller marcher à la plage. Le gouvernement maintient l’interdiction mais laisse la liberté aux maires de demander l’autorisation aux préfets. À suivre !

relax dog confinement
Le poilu à la 8ème semaine de confinement…

 

Confinement / Jours 42 à 45 : espoirs et angoisses

Journal d’un isolement

Se confiner : S’enfermer, être enfermé dans un lieu (Larousse). L’impact psychologique de la 7ème semaine de confinement additionné à l’incertitude du déconfinement pèse sur le moral. On s’accroche coûte que coûte. Malgré les cons et la pression.

Chien couché sous le bureau
Le poilu s’accroche.

Jour 42

Lundi 27 avril
Depuis le début du confinement, j’ai le sentiment d’être en pause. Pourtant, entre le travail, l’école à la maison et l’alimentation de 4 personnes, je suis loin de chômer. Mais la notion de temps a changé. La distanciation sociale permet une reprise en main de nos emplois du temps. Et l’incertitude de l’avenir provoque une suspension de la vie. Malgré cette impression de flottement, le temps passe encore plus vite qu’à l’accoutumée. Les jours et les semaines défilent. La 7ème semaine de confinement débute. Et j’ai l’impression que c’est la seconde…

Que faire des cons ?

Après une bonne nuit de sommeil, je me remets au travail avec plaisir. Les projets avancent, je m’adapte à l’incertitude, trouve de nouvelles idées. Cette matinée de labeur agréable provoque l’arrêt définitif de mes ruminations sur les méchants cons et ma manière de les gérer. Je garde en tête de me replonger dans Que faire des cons, Pour ne pas en rester un soi-même, l’essai de Maxime Rovere. Une piqûre de rappel ne fera pas de mal pour la prochaine fois.

Confinement carnivore

Avant de me remettre au travail l’après-midi, je fais une pause cuisine. Le plat a besoin de mijoter. C’est parti pour des joues de bœuf à la moutarde et au Cognac à partir de la recette Papilles et Pupilles. Les garçons ont envie de viande. La recette est simple. Je n’ai pas tous les ingrédients mais au moins le bœuf, la moutarde et le Cognac, c’est le principal. La cuisson longue en cocotte rend la viande extra fondante. Bref un régal que je prends plaisir à préparer.

Au moment de la dégustation le soir, j’apprends à Yuri – qui vient de se lever – que notre Premier ministre va annoncer le plan de déconfinement demain à 15h. Il s’étonne de cet horaire : « Il veut faire ça en toute discrétion ? Que les gens ne l’écoutent pas ? ». Son second degré à propos de son rythme de vie nous fait beaucoup rire.

Bilan de la journée

Boulot : au top, pourvu que ça dure.
Cuisine : les joues de bœuf.
Petits plaisirs : éplucher et couper carottes, oignons, viande, herbes à 14h un lundi.
Bricolage : Il me reste de la laine pour faire un pull à Violette mais je m’impose d’abord de finir tous les projets en cours et inachevés, une mauvaise habitude. Je me remets donc à la broderie.

Jours 43

Mardi 28 avril
Matinée classique de confinement : boulot, balade en forêt. À 15h, Yuri se lève ! Il a mis son réveil pour écouter le Premier ministre. Après son discours, nous restons mitigés. Sur la réouverture des écoles. Et sur toutes ces propositions conditionnelles et conditionnées aux nombres de cas avant le 11 mai. Pour la reprise des lycéens, dont Joseph fait partie, le gouvernement ne se prononcera qu’à la fin du mois de mai. Je me demande l’intérêt de les faire reprendre en juin. Et commence à envisager qu’il termine son année à distance.

Reprise de l’école ?

Les bars et les restaurants restent fermés mais les écoles rouvrent ? Pour Violette en CM1, elle pourrait reprendre en mai. Si cette proposition de reprise a le mérite de ne pas laisser sur le carreau les enfants en situation difficile (maltraités ou en décrochage scolaire), elle favorise à nouveau la propagation du virus.

Même avec des effectifs de 15 enfants par classe, il est impossible pour un enseignant ou un personnel d’animation de leur faire respecter les distances. Ce sont des enfants de 3 à 10 ans donc des êtres mobiles et tactiles. À qui il va falloir demander de se reculer toutes les minutes, de ne pas se toucher ou toucher la table du voisin. Tout en assurant la classe, l’hygiène et l’école à distance pour les élèves restés à la maison. Si les membres du gouvernement s’occupaient d’enfants, ils sauraient que c’est impossible. Et ce ne sera pas de l’école mais de la garderie.

Avec jardin et sans plage

D’autres dispositions me semblent contradictoires. Les parcs et jardins pourront être à nouveau fréquentés mais pas les plages… Sur quels critères objectifs arrivent-ils à différencier ces étendues naturelles et y appliquer deux régimes ? Surtout, ils n’ont pas dû avoir vent des bienfaits de l’air marin et de la pratique d’activités sportives marines pour renforcer son immunité. Je me désole pour les surfeurs, les écoles de surf.

Réorganisation de la vie

Comme nous ne sommes pas du genre à ruminer pendant des heures, nous réfléchissons à l’organisation qu’implique cette reprise potentielle en mai. Yuri, qui travaille dans les restauration, est au chomage technique depuis le début du confinement. Il a été rappelé il y a quelques semaines par son patron pour une reprise du travail suite à la mise en place des livraisons de repas. Mais confinement oblige, Yuri n’a pu revenir à Bordeaux. Nous essayons donc de trouver une solution pour son retour le 11 mai.

Pour le travail, je fais le point sur tous les projets. Comment les poursuivre dans ces conditions, selon quelles échéances. Et avec qui. Bref, on s’adapte. En restant optimiste. Mais avec une pointe d’angoisse sur les mois à venir. À propos de la situation financière mais de l’impact psychologique aussi de l’isolement, de la crise. Il va falloir être fort.

Bilan de la journée

Boulot : avancer, avancer.
Cuisine : boudin noir, pommes de terre, pomme. Le genre de repas que nous ne faisons que lorsque Violette n’est pas là.
Ravitaillement : faute d’avoir pu conclure un drive – le paiement en ligne ne fonctionnait pas – je suis allée dans le petit supermarché du coin pour tous les produits que je ne peux pas trouver chez les petits commerçants. Uniquement des produits consommés par les enfants. Je me projette lorsqu’ils seront grands et que je ne mettrais plus un pied en supermarché. Oui je vois loin !

Jour 44

Mercredi 29 avril
En très grande forme. Suite à ma confrontation désagréable avec le monde extérieur dimanche et passée la période de rumination, j’envisage de déménager. Ce n’est pas une fuite, je sais que l’herbe n’est jamais plus verte à côté. C’est un besoin de changement, latent depuis plusieurs années. Mis de côté par manque de courage et qui m’apparait aujourd’hui faisable. Je reste réaliste, cela ne sera pas dans un futur proche. Mais cette nouvelle perspective m’allège et me booste. Je réalise une fois de plus que les expériences de vie négatives sont riches d’enseignement et débouchent souvent sur des éléments positifs.

Violette revient ce soir, je profite de cette journée de travail sans elle pour avancer au maximum. Car si elle est encore en vacances et que je n’ai pas à faire la maîtresse, se concentrer quand elle me parle ou me sollicite toutes les 5 mn se révèle compliqué.

Travailler en famille

Les rapports professionnels ont d’ailleurs beaucoup évolué depuis le confinement. Ayant l’habitude de travailler à la maison, j’ai toujours fait en sorte de m’isoler pour passer un coup de fil afin que mon interlocuteur ne perçoive pas la sphère familiale. Avec le télé-travail imposé par la crise, ce genre de précautions n’est plus de mise.

J’ai eu une conversation de plusieurs minutes avec une femme aujourd’hui et j’ai dû lui faire répéter ses réponses plusieurs fois. Les cris de ses enfants couvraient un mot sur deux… Cela ne semblait pas la gêner et m’a beaucoup amusée. On revient à des rapports plus honnêtes, sans faux-semblants. Cela m’arrange, j’ai toujours eu du mal à me glisser dans le costume de la pro ultra sérieuse. Pourvu que ce formalisme détendu perdure…

Bilan de la journée

Boulot : on avance…
Jardinage : J’ai taillé des bambous et commencé à creuser pour enlever leurs racines. Une mission physique et compliquée. Mais les coups de pioche et de pelle me défoulent.
Cuisine : C’était le tour de Joseph. Oui chez nous, les hommes cuisinent pendant que les femmes s’occupent des gros travaux.
Bricolage : J’ai craqué… Mes vieux yeux ne me permettent pas de broder le soir. J’ai donc démarrer un nouveau pull pour Violette avec des restes de laine.

Jour 45

Jeudi 30 avril
Tout en profitant de ce dernier jour travaillé sans école à la maison, je rumine le déconfinement. L’école a sondé les parents d’élèves pour savoir si nous comptions remettre nos enfants à l’école. Sans même mentionner quelles mesures de précaution ils envisageaient de mettre en place. Dans ces conditions, comment me décider ?

Une fausse reprise

Pour le travail, ce semblant de reprise le 11 mai, m’impose également de concrétiser des projets en pause. Pourtant, de nombreux professionnels ne sont pas autorisés à reprendre leur activité : bars, restaurants, salles de spectacles, écoles de surf, hébergements touristiques. Difficile là encore de reprendre vraiment. Pourtant, je dois avancer.

Nous avons subi cette période de pause inquiets de l’avenir. Nous devons maintenant reprendre le cours de la vie mais au ralenti. Avec, latente, cette inquiétude de parvenir. Et l’angoisse de propagation du virus. Et d’un nouveau confinement. La pression se révèle finalement plus forte au déconfinement.

Espoir vs angoisse

En faisant quelques courses, j’ai croisé des commerçants, des restaurateurs, des professionnels du tourisme et du spectacle. Tous sont abattus. Ils ne savent pas s’ils pourront se remettre de cette crise. Ils travaillent pour s’adapter aux précautions sanitaires. En investissant dans du matériel pour envisager une reprise. En dépensant de l’argent qu’ils n’ont pas et sans savoir s’ils ne vont pas participer à la reprise du virus ou subir de nouvelles fermetures.

La fin du confinement tant espérée représentait une lueur d’espoir. Elle se transforme en source d’angoisse. Lire le journal d’un ambulancier au front m’a beaucoup touchée. Et fait relativiser. La théorie de la relativité fonctionne toujours. Nous allons devoir plus que jamais rester optimiste, nous adapter. Faire attention aux uns et aux autres. Faire taire ou apaiser notre colère, nos inquiétudes pour avancer tous ensemble. Se réinventer. Comme ce mot « déconfinement » qui n’existait pas et que mon correcteur orthographique continue à souligner. Au boulot.

Bilan de la journée

Boulot : plus que jamais, je m’accroche à mon bullet journal pour enchaîner les missions et cocher les cases… Yuri se prépare à rentrer à Bordeaux le 11 pour reprendre le boulot. Sa copine étudiante ne sera pas autorisée à le suivre. Vivre seul, travailler, sans voir d’amis, tous restés dans les Landes. Je sens que cette perspective ne le réjouit pas. Mon bébé…
Cuisine : nouveau pain cuit à la cocotte avec un mélange de farine de petit épeautre et semi-complète. Yuri passe en cuisine le soir.
Bricolage : Courbatue des coups de pioche et de pelle hier, je fais une pause de la mission bambou. Et reprends le tricot du pull de Violette. Apaisant.